Lo specchio dei tuoi desideri

Les éléments naturels m’ont toujours fasciné. Les promontoires sont une invitation au voyage. Celui de la Villa del Balbianello est surprenant. Les piémonts sont abrupts  et les villages accrochés sur leurs flancs. L’eau longe une rive élégante et le reflet du lagon dérive vers une littérature stendhalienne.

Une recherche sur bubble.com me donne les liens nécessaires pour accéder aux informations sur ce lieu étonnant : l’Insubria ou il giardino nel cuore dell’Europa. Le reflet de mon écran m’invite à traverser le temps et l’espace vers ces lacs d’une ère géologique oubliée. Le toucher occulte l’odorat mais le souvenir de senteurs des massifs de jasmins me chagrine. Comment décrire une fragrance ? Des kilomètres de définitions didactiques ne me donneront pas la délicatesse de ces pistils embaumés. Qu’importe ! Le moteur de recherche me propose des milliers de pages d’explication et l’ennui commence à poindre.

L’ordinateur est un outil docile, ergonomique mais dépourvu d’intelligence. Si l’on parle « d’intelligence artificielle », ne reconstruisons-nous pas une perspective binaire de notre cortex ?

La langueur recommence à montrer le bout de son nez !

Je repars vers des sites enchanteurs où les images et quelques textes suggestifs m’invitent à la rêverie. Le clapotis du lac de montagne se fige dans une aquarelle imaginaire. Le ciel et l’eau s’amusent à créer des pastels, tutto diventa visione che vi lascia sospesi tra sogno e realtà.

Le jade s’éparpille de milles cristaux dans un lagon mystérieux aux villas surprenantes.

Je me remémore l’histoire d’un prestigieux couturier au destin tragique drapés dans le luxe tranquille de la Villa Fontanelle où la « Gorgone » veillait. L’ennui et le luxe font souvent bon ménage comme pour signifier que l’avoir dégrade le bonheur.

Les histoires se succèdent sans rythmes ni raisons, un tourbillon s’instaure en moi, une confusion se dessine dans cet univers clos au limite virtuelle infinie.

Une nouvelle panne de réseau vient interrompre cette séance d’auto-hypnose visuelle.

Les éléments naturels et habituelles reprennent leurs importances : écouter, voir, manger et parler. Je mesure la mort virtuelle que mon cyber-compagnon vient de m’infliger.

L’écran noir veille et attend de reprendre ses droits. J’hésite à enlever la prise de connexion alimentant des vaisseaux sanguins électroniques dont le cœur de la puce quadri core pulse à huit gigabit par opération. 

J’attends inquiet la reprise de contact. Comment va-t-il me parler ? Quels vont être ses premiers signes de vie ?

L’énergie reprend ses droits et les procédures d’ouverture d’une nouvelle session s’effectuent devant mes yeux perplexes. Comme je voudrais reprendre le Speed Ferry afin de quitter ces contrées vénéneuses.

L’écran me dit bonjour et nous entamons un dialogue unilatéral. Un bip inopiné m’indique un message par courriel.

J’ouvre ma messagerie électronique et je lis avec soulagement un nom familier : « Franck, ce petit mot pour te donner ma nouvelle adresse mail et mon contact téléphonique pour reprendre notre histoire interrompue sur les rivages tourmentés de Shikoku. Combien de temps et d’incompréhension ? Je voudrais tant revivre ces moments merveilleux entamés sur un terminal canadien, t’en souviens-tu ? Porte toi bien et reviens moi vite. Ta biche qui t’aimmmmm. Constance. »

Les phrases ont une portée dont les jours se succédant adoucissent. Comme je voudrais être loin et proche de ma bien aimé perdue.

Le temps s’écarte inexorablement des quelques minutes où je reprenais vie. L’histoire retrouve son cours normal et les choses sont à nouveau à leur place. Mon esprit est en repos. Une quiétude s’organise et mes tourments s’évaporent à l’image de ce courriel provenant de nulle part et traversant mes pensées.

Je suis dans le temps et je veux vivre pleinement.

...

(Fin de l'extrait).

Chapitre 2.

P-G Renaud