Voici une nouvelle qui semble ravir les consommateurs occidentaux et finalement du monde entier.
Et pourtant.
Mais avant d'aller plus loin, voyons les chiffres de ce jour.
En 2013, le prix du baril de pétrole chiffrait 120 $ et en 2008, 140$; et soudain, un repli pour atteindre en septembre 2015 plus de 44$.
Une bonne nouvelle mais il faut comprendre les raisons de cette baisse.
"Les prix du pétrole continuent de baisser
LE MONDE ECONOMIE | 14.01.2015 à 11h31 • Mis à jour le 14.01.2015 à 16h20 | Par Claire Guélaud
Le prix du pétrole continuait de baisser, mercredi 14 janvier, en Asie et tout laisse penser qu’il devrait rester bas. C’est une bonne nouvelle pour l’économie mondiale, même si elle va s’accompagner d’un transfert de revenus massif des pays exportateurs vers les pays importateurs.
Mercredi en début d’après-midi en Asie, le baril de « light sweet crude » (WTI) pour livraison en février cédait 34 cents à 45,55 dollars, tandis que le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison à la même date abandonnait 43,33 cents à 46,16 dollars.
Vers 12 H 30 à Paris, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en février valait 46,49 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE) de Londres, en baisse de 10 cents par rapport à la clôture de mardi.
Lors d’un forum sur l’industrie pétrolière à Abou Dhabi, le ministre koweïtien du pétrole, Ali al-Omaïr, a attribué la dégringolade des cours à une surproduction d’environ 1,8 million de barils par jour (mbj) combinée au ralentissement de l’économie mondiale.
M. al-Omaïr a écarté la tenue d’une réunion d’urgence de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) pour envisager une réduction de sa production de 30 mbj.
Aux Etats-Unis, l’agence gouvernementale d’information sur l’énergie (EIA) a prévu que la production américaine serait de 9,3 mbj en 2015 et grimperait à 9,5 mbj en 2016. Soit le niveau de production annuel « le plus élevé dans l’histoire des Etats-Unis » après le record de 1970 (9,6 mbj).
Le précédent de 1986
La surabondance de l’offre, doublée d’une faible demande dans les pays développés et d’une moindre demande chinoise, entretient la baisse spectaculaire des prix.
Resté autour de 105 dollars le baril pendant quatre ans, le prix du pétrole a commencé à baisser à l’été 2014, perdant 50 % de sa valeur depuis juin et 40 % depuis septembre, avaient relevé Olivier Blanchard, économiste en chef du Fonds monétaire international et un de ses collègues du FMI, Rabah Arezki, dans un Post de blog publié le 22 décembre 2014.
« Une chute des cours aussi spectaculaire s’était produite en 1986 lorsque l’Arabie saoudite avait décidé de ne plus jouer le rôle de producteur d’appoint », avaient-ils observé en rappelant que les prix avaient mis une quinzaine d’années à se redresser.
Dans sa note de conjoncture de décembre, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a évalué à plus de 0,4 point de croissance supplémentaire d’ici mi-2015 l’effet combiné des baisses du taux de change et du prix de l’or noir en France. Cette évaluation reposait sur l’hypothèse d’un euro à 1,23 dollar et d’un baril à 70 dollars.
Plus récemment, le directeur de COE-Rexecode, Denis Ferrand, a cherché à calculer le montant de la réduction de la facture pétrolière à partir de la valeur des importations de produits pétroliers bruts et raffinés en 2013.
En faisant l’hypothèse d’un prix moyen du baril de 82 euros en 2013, 75,20 euros en 2014 et 45 euros en 2015, la facture pétrolière de la France diminuerait de « 5 milliards d’euros en 2014 » et de « 17 à 22 milliards en 2015 ».
Bonne nouvelle pour la zone euro
Les effets de cette baisse sont très variables. Ils sont fonction de l’intensité énergétique des secteurs d’activité, autrement dit de ce que représentent pour ces derniers les achats de produits énergétiques dans leur valeur ajoutée.
L’industrie chimique devrait être la première bénéficiaire de la baisse du cours de l’or noir : ses achats de produits énergétiques représentent en effet 64,9 % de sa valeur ajoutée, contre 23 % dans les transports et seulement 1,4 % dans les services marchands.
Mais attention, observe Denis Ferrand, les entreprises n’enregistreront pas immédiatement le bénéfice de la baisse des prix. Et elles peuvent l’utiliser de différentes manières : pour améliorer leur situation financière, pour baisser elles-mêmes leurs prix ou pour faire un peu des deux.
« Il est trop tôt, précise l’économiste, pour savoir ce qui ira au redressement des marges, a priori favorable à l’investissement et à l’emploi, et ce qui ira à la baisse des prix pour les ménages, donc à davantage de pouvoir d’achat et éventuellement de consommation. »
Au-delà du cas français, un pétrole durablement bas serait une bonne nouvelle pour la zone euro dans son ensemble. Ce serait « un formidable outil de relance dans les pays européens », analyse Philippe Waechter. Le directeur de la recherche de Natixis Asset Management évalue aussi à au moins 1 point de PIB mondial, voire plus, le montant des transferts de revenus des pays producteurs aux importateurs liée au recul des prix de l’or noir.
De leur côté, MM. Blanchard et Arezki ont effectué deux simulations. Si elles « ne constituent pas une prévision de l’état de l’économie mondiale, elles signalent une poussée du PIB mondial de l’ordre de 0,3 % à 0,7 % en 2015, par rapport à un scénario sans chute des cours », ont-ils observé.
La Banque mondiale abaisse ses prévisions de croissance
La fragilité de la reprise a conduit la Banque mondiale à réviser à la baisse ses prévisions de croissance pour le produit intérieur brut (PIB) mondial à 3 % en 2015 et à 3,3 % en 2016, au lieu des 3, 4 % et 3,5 % respectivement prévus en juin. Les pays en développement croîtraient à un rythme plus de deux fois plus supérieur à celui des économies développées. Malgré le ralentissement chinois, l’Asie du Sud-Est et le Pacifique serait en tête mais talonnée par l’Asie du Sud. La Banque invite les pays en développement importateurs de pétrole à profiter de la baisse des prix pour réformer leur fiscalité énergétique et réduire les subventions au profit de transferts ciblés sur les plus pauvres.
Et comme vous l'avez remarqué, cette article date de janvier 2015 !!!
En septembre nous rentrons dans une nouvelle ère où le pétrole est abondant, l'Iran double sa capacité de production journalière depuis août 2015 et la crise chinoise ralentit la demande globale de pétrole.
Un sujet perturbe un grand nombre d'acteurs de par le monde, la crise chinoise.
Elle paraissait impensable et pourtant elle est là !
Nous sommes saisis par l'effroi et déjà, elle se faufilait en novembre 2014 !
La Banque Centrale Chinoise baissait ces taux directeurs dans l'indifférence générale, mais pas tout à fait ...
"Baisse surprise des taux en Chine pour doper la croissance
vendredi 21 novembre 2014 14h20
par Koh Gui Qing et Jason Subler
PEKIN (Reuters) - La Chine a surpris les marchés financiers vendredi en annonçant une baisse de ses taux d'intérêt, une décision qui vise à soutenir la croissance de son économie face à la multiplication des signes de ralentissement.
Cette baisse de taux, la première depuis plus de deux ans, intervient au moment où le secteur manufacturier chinois est à la peine et où le marché immobilier, longtemps l'un des moteurs de l'expansion du pays, préoccupe les observateurs.
"Cela intervient juste après les chiffres décevants des PMI (les indices des directeurs d'achats-NDLR) montrant que l'activité manufacturière se rapproche dangereusement de la contraction", a commenté Alexandre Baradez, chef analyste d'IG à Paris. "La banque centrale chinoise emboîte désormais le pas à la Fed, à la BCE et à la BoJ."
Les Bourses européennes, tout comme le pétrole et d'autres matières premières, étaient en forte hausse vers 14h00, après cette baisse des taux chinois. L'indice paneuropéen FTSEurofirst 300 gagnait 1,77% et le baril de Brent prenait plus de deux dollars à 81,40.
La Banque populaire de Chine (PBoC) a abaissé le taux de référence des prêts à un an de 40 points de base à 5,6%.
Le taux des dépôts à un an a été abaissé de 25 points de base à 2,75%, a ajouté la PBoC, qui a précisé que ces décisions prendraient effet samedi, 22 novembre.
"Le problème des difficultés de financement et du coût du financement reste saillant dans l'économie réelle", a déclaré la PBoC dans un communiqué.
La banque centrale a parallèlement annoncé une poursuite de la libéralisation des taux d'intérêt avec le relèvement du plafond des taux créditeurs qui peuvent être servis sur les dépôts à 1,2 fois le taux de référence contre 1,1 fois précédemment. "
Et donc, voilà une histoire en marche et en février 2015.
"La Chine tire profit de la reprise américaine
Le Monde.fr | 08.03.2015 à 14h04 • Mis à jour le 08.03.2015 à 15h13 | Par Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)
L’excédent commercial de la Chine a atteint un niveau record en février 2015, sous l’effet de l’amélioration de la demande de ses grands partenaires et de la chute du prix du pétrole, mais aussi du ralentissement de la consommation nationale.
Le surplus du commerce extérieur de « l’atelier du monde » a atteint 60,6 milliards de dollars (55,8 milliards d’euros) au deuxième mois de l’année, selon les données publiées, dimanche 8 mars, par les douanes chinoises.
Les exportations de la Chine ont bondi de 48,9 % en février par rapport au même mois l’année précédente, pour atteindre 169 milliards de dollars, et ce alors qu’elles avaient subi une contraction de 3,2 % en janvier.
Effet de calendrier
Cette progression est d’abord liée au calendrier. Le Nouvel An lunaire tombait le 19 février cette année, de sorte que les usines chinoises ont fortement travaillé en amont de la semaine de congés, pendant laquelle l’économie tourne au ralenti, tandis que cette fête avait eu lieu à la fin du mois de janvier l’an dernier.
Même malgré cet effet de base, les ventes de la Chine au reste du monde enregistrent une réelle progression : elles gagnent 15 % sur les mois de janvier et février cumulés. La reprise en Amérique est une source de demande majeure, les livraisons de la Chine vers les Etats-Unis progressant de 21 % sur les deux premiers mois de l’année. Elles gagnent 13 % à destination de l’Europe.
« Les exportations continuent d’apporter un soutien bienvenu à la croissance, à l’heure où la demande intérieure est morose », constate Louis Kuijs, économiste de la Royal Bank of Scotland sur la Chine, dans une note rédigée dimanche.
Car les importations de la Chine baissent de 20,5 % en février sur un an, confirmant la tendance, après les 19,9 % de chute relevés en janvier. La baisse du cours du baril de pétrole ces derniers mois est un facteur explicatif important, mais il n’est pas le seul.
Demande intérieure affaiblie
La demande intérieure chinoise est réellement affectée par le ralentissement de la croissance. Après avoir constaté une progression de 7,4 % du produit intérieur brut (PIB) de la deuxième économie de la planète sur l’ensemble de l’année 2014, en deçà de l’objectif établi, les dirigeants chinois ont annoncé, jeudi 5 mars, qu’ils visaient environ 7 % de croissance pour l’économie chinoise en 2015.
Parmi les objectifs présentés lors de la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire, actuellement en cours, le premier ministre, Li Keqiang, a également précisé que la Chine tablait sur une croissance de 6 % de son commerce extérieur cette année.
L’objectif d’une progression de 7 % du volume cumulé des importations et exportations n’avait pas été atteint en 2014, les échanges de la Chine avec le reste du monde ne gagnant que 3,4 % sur l’ensemble de l’année.
"La situation économique de la Chine agite de nouveau les marchés financiers. L'activité manufacturière en Chine s'est contractée en août, confirmant l'essoufflement de la deuxième économie mondiale.
La ralentissement économique de la Chine se confirme après la publication de chiffres inquiétant concernant l’activité manufacturière du pays, pourtant le pilier traditionnel de sa croissance. Pour la première fois depuis trois ans, l’indice PMI des directeurs d’achat a montré une contraction. Il s’est établi à à 49,7 en août, contre 50 en juillet, selon le chiffre officiel dévoilé mardi 1er septembre par le Bureau national des statistiques (BNS).
Un autre indicateur PMI calculé indépendamment par le cabinet Markit et publié mardi par le groupe de presse Caixin, dresse même un tableau encore plus sombre. Il est tombé à 47,3 pour août, contre 47,8 en juillet. Ce dernier indice est à son plus faible niveau depuis mars 2009.
Le secteur des services en ralentissement
Encore plus inquiétant, le secteur chinois des services, qui constituait jusqu'ici l'un des rares points positifs de la deuxième puissance mondiale, montre à son tour des signes de ralentissement marqué, enregistrant sa croissance la plus lente en plus d'un an. "Au vu de l'activité anémique durant l'été, le produit intérieur brut (PIB) pourrait tomber en dessous de 6,5 % au troisième trimestre", observent les économistes d'ANZ dans une note.
Ils estiment que pour maintenir une croissance autour de 7 %, l'objectif affiché des autorités chinoises pour 2015, de nouvelles mesures agressives d'assouplissement monétaire seront nécessaires, ainsi qu'une politique fiscale proactive et une libéralisation financière. Mais certains experts estiment que le rythme actuel de croissance de l'économie chinoise est déjà bien inférieur à ces chiffres.
Les investisseurs craignent que les chocs combinés de la dévaluation du yuan et de l'effondrement des indices boursiers chinois cet été aient encore accru les risques sur l'économie et le système financier chinois.
Pour tenter d'enrayer le ralentissement de l'économie, les autorités chinoises ont mis en œuvre le programme de soutien le plus ambitieux depuis la crise financière mondiale de 2008, à grands renforts d'accélérations des investissements dans les projets d'infrastructures et d'assouplissements à répétition de la politique monétaire.
Mais l'efficacité de cette approche a été remise en question et certains ont mis en garde contre de nouvelles injections de capitaux dans le système, évoquant "le piège des liquidités" pour des entreprises déjà lourdement endettées.
La Banque populaire de Chine (BPC) a baissé ses taux d'intérêt ainsi que les taux de réserves obligatoires des banques la semaine dernière pour la deuxième fois en deux mois, au lendemain d'un "lundi noir" (24 août) sur les marchés chinois dont les répercussions ont été ressenties sur les places financières à travers le monde."
"Bourses en chute : la Chine face à ses échecs économiques
Confronté à une situation économique délicate et à l'inquiétude des investisseurs internationaux, le gouvernement de Xi Jinping tente de colmater les faiblesses de son économie. Sans grand succès.
24 Août 2015, 17h14 | MAJ : 24 Août 2015, 21h54
Le président chinois Xi Jinping à Pékin le 17 mai 2015 AFP / Saul Loeb
L'inquiétude générale sur l'état de santé de la deuxième économie mondiale grandit alors que les Bourses dévissent. Malgré les nouvelles assurances des autorités, la Bourse de Shanghaï a encore plongé de 8,5%, lundi, entraînant dans la spirale baissière l'ensemble des places financières mondiales.
La Chine est la deuxième puissance mondiale mais son développement est asymétrique voire dissymétrique.
Autrement dit, les dirigeants chinois (notamment du PCC) ont voulu faire de leur pays une puissance sans prendre en considération le temps.
Le temps nécessaire pour introduire une véritable marché intérieur et une croissance endogène efficace.
Faire la part exclusive des marchés donne les résultats désolants d'aujourd'hui où des millions de souscripteurs chinois vont se retrouver ruiner d'avoir vendu leurs biens immobiliers en tout les cas leurs valeurs capitalistiques au profit d'actions et en surenchérissant par le biais du crédit.
Aujourd'hui, la correction boursière est sévère, on parle de 2 000 milliards de $ envolés depuis le mois de février, donnée à vérifier.
"INTERVIEW- «Je suis désolé», a déclaré le comptable d'Auschwitz à son procès. Pour Marie-Pierre Samitier, auteur de Bourreaux et survivants, Faut-il tout pardonner ?, ces excuses on
MARIE-PIERRE SAMITIER*: Oui, c'est important, même si longtemps après. Pour l'exemplarité de la peine (légèrement supérieure à ce qui était attendu) et pour l'imprescriptibilité qui accompagne la notion de crimes contre l'Humanité. Cette imprescriptibilité est à la mesure de la gravité de la faute commise. Si longtemps après, c'est un procès politique qui est fait là à travers les institutions judiciaires, un procès politique c'est-à-dire un procès qui a valeur de symbole: c'est le représentant du système nazi de l'époque qui est condamné. L'Allemagne d'aujourd'hui condamne donc ce qu'il s'est passé à travers ses hommes de l
oi.
«Je suis profondément désolé.», a affirmé le nonagénaire pendant son procès. Est-ce rare qu'un bourreau s'excuse pour ses actes?
Oscar Gröning est le premier responsable nazi (même s'il était très jeune à l'époque) à avoir demandé pardon aux représentants des victimes dans le cadre d'un procès. C'est un acte fort parce que la demande de pardon signifie qu'il reconnaît ses fautes commises envers autrui. C'est également un acte fort parce qu'il est unique. Je raconte dans mon livre que les Nazis n'ont jamais exprimé de demandes individuelles de pardon: ils ont été persuadés avoir eu raison jusqu'au bout. C'est le cas de Rudolf Hess (directeur du camp d'Auschwitz) par exemple et des autres prisonniers de Spandau (prison de Berlin où étaient enfermés des criminels nazis après la guerre). La prison a été détruite, elle abritait jusque dans les années 1980 sept hauts dignitaires nazis qui n'ont jamais exprimé de regrets, même si parmi eux Albert Speer (l'architecte d'Hitler) a parfois tenu des propos hésitants sur le sujet. Tous ont estimé jusqu'à la fin qu'ils avaient eu raison de vouloir éliminer «tous les Juifs».
Les Nazis n'ont jamais exprimé de demandes individuelles de pardon : ils ont été persuadés avoir eu raison jusqu'au bout.
Marie-Pierre Samitier, auteur de Bourreaux et survivants, Faut-il tout pardonner ?
Cette demande de pardon est-elle importante symboliquement?
La demande de pardon d'Oscar Gröning signifie qu'il reconnaît avoir eu tort et qu'il veut changer, faire «Techouva» selon le terme hébreu (la notion de pardon si essentielle pour les Juifs et les Chrétiens vient de là). Cela signifie la possibilité d'un «retour» (Techouv en hébreu) et donc qu'un recommencement est possible avec l'instauration de nouvelles relations entre les individus.
C'est pour cette raison qu'il est important qu'il l'ait fait, pour ce «recommencement» possible avec un nouveau départ dans les relations humaines. Cela signifie que rien n'est oublié mais que les torts sont exprimés et reconnus par les anciens bourreaux. Par là, cet ancien comptable d'Auschwitz renie le système nazi auquel il a cru, au sein d'une «communauté» à laquelle il adhérait, celle de la race aryenne qui devaient selon Hitler dominer les autres.
Oscar Gröning a fait ce chemin-là, il a exprimé publiquement le regret de ses actions commises. Il est vrai que cela vient très tard. De fait, il lui reste peu de temps pour un changement d'attitude, un «recommencement». Je laisse aux victimes le soin d'exprimer leur pensée sur ce point. Mais il me semble, au vu de mon enquête et des témoignages que j'ai recueillis, que cette demande de pardon est importante du point de vue symbolique, pour toutes ces raisons.
* Marie-Pierre Samitier est journaliste à France 2. Elle a publié Bourreaux et survivants- Faut-il tout pardonner? (Lemieux éditeur, 2015), un essai où elle explore la possibilité du pardon à travers de nombreux témoignages de victimes de la Shoah.
La signature de l'accord sur le nucléaire iranien déclenchent une succession de réactions économiques.
En voici une...
"Les hommes d'affaires français n'ont pas attendu l'accord officiel sur le nucléaire iranien pour travailler leur retour dans le pays. Ils étaient dans les starting-blocks depuis plusieurs mois. Après des représentants des industries textiles et du machinisme agricole, quatre chambres de commerce et d'industrie - Paris, Marseille, Strasbourg et Grenoble - viennent séparément d'effectuer un voyage exploratoire en Iran.
De son côté, une délégation du Medef est rentrée mi-juin de Téhéran, où elle a préparé le déplacement d'une cinquantaine d'industriels initialement prévu début juillet. Mais cette visite, qui succède à celle, fortement médiatisée, d'une centaine de grandes entreprises en janvier dernier, a finalement été reportée à fin septembre. Autant à cause du ramadan - mois peu propice aux rencontres officielles - qu'à une signature de cet accord historique légèrement décalée dans le temps entre la République islamique et les pays occidentaux, qui devrait permettre le retour de l'Iran dans le concert des nations.
Les entreprises françaises attendent beaucoup de la levée des sanctions qui les empêchaient jusqu'à maintenant de commercer avec Téhéran que les Occidentaux soupçonnent de vouloir fabriquer la bombe atomique.
«L'Iran va rentrer dans un cycle de croissance forte, entre 5 et 10 % par an pendant cinq ans», s'enthousiasme l'un de ces entrepreneurs français, qui rappelle les atouts du pays: l'un des principaux producteurs mondiaux de gaz et de pétrole mais aussi un marché de 80 millions d'habitants avec une jeunesse éduquée avide d'ouverture. Forcément, le gâteau attire le gratin des hommes d'affaires de l'ensemble des pays développés ou émergents.
«La France risque de passer à côté de 80 milliards de dollars de potentiels contrats à venir, si elle ne change pas de position dans les négociations sur le nucléaire» . Ahmad Akhoundi, ministre iranien des Transports
Si la fermeté des positions françaises sur le nucléaire pourrait pénaliser les entreprises hexagonales dans les secteurs stratégiques, tels que la pétrochimie, l'aéronautique ou la haute technologie - très probablement réservés aux Américains - les marchés de l'automobile, de la pharmacie et de l'agriculture, voire des transports ferroviaires, restent ouverts à la compétition.
D'ores et déjà, Peugeot-Citroën négocie une coentreprise avec son partenaire historique Iran Khodro en vue de fabriquer la 301, la voiture réservée aux émergents. «Mais les discussions sont difficiles, reconnaît-on à Paris, car les Iraniens ont du mal à pardonner la manière discourtoise avec laquelle Peugeot a succombé aux pressions politiques pour se retirer brutalement d'Iran en 2012.»
Pendant longtemps, les entreprises françaises ont strictement suivi les consignes officielles de bouder le marché iranien. Mais le mois dernier, «Nicolas de Rivière, le diplomate qui négocie aux côtés des Occidentaux face aux Iraniens nous a convoqués pour délivrer le message suivant: “nous allons vers un accord sur le nucléaire. Dépêchez-vous d'aller en Iran, car vos concurrents sont déjà sur place”», raconte un homme d'affaires présent à cette réunion.
Raffarin à Téhéran
Contrairement aux Français, les Allemands, Espagnols et Italiens, eux, n'ont jamais vraiment déserté le marché iranien. Quant aux Américains, ils ont très discrètement tendu des perches, ces dernières années.
«Téhéran nous fera-t-il payer notre politique très dure à leur égard?», s'interroge un autre industriel, familier de l'Iran. «La France risque de passer à côté de 80 milliards de dollars de potentiels contrats à venir dans le secteur du transport, si elle ne change pas de position dans les négociations sur le nucléaire», avertissait la semaine dernière lors de sa visite à Paris Ahmad Akhoundi, le ministre iranien des Transports.
«Il faut redonner de la visibilité à la France car les Iraniens apprécient notre technologie». Un industriel du secteur automobile
Pour rassurer Téhéran, des hommes politiques ont décidé d'aller plaider la cause française auprès des mollahs. Après la visite en mai de quatre sénateurs (deux UMP, un PS et un PC), ce sera au tour du président du Sénat, Gérard Larcher, et de l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin d'aller à Téhéran vers le 19 juillet, peu avant celle de l'ex-ministre de la Défense, Hervé Morin. De son côté, le Quai d'Orsay travaille à une visite le 20 juillet du chef de la diplomatie, Laurent Fabius, dans l'espoir de tourner la page des froides relations entre les deux pays, depuis une dizaine d'années. Stéphane Le Foll à l'Agriculture devrait lui succéder à l'automne.
«Il faut redonner de la visibilité à la France, insiste un industriel du secteur automobile, car les Iraniens apprécient notre technologie.» La compagnie aérienne Mahan Air, propriété de la famille Rafsandjani, un des piliers du régime, vient d'acquérir - via un intermédiaire - neuf Airbus, d'occasion. Si Iran Air devrait renouveler sa flotte d'appareils auprès de l'américain Boeing, Mahan Air, de son côté, pourrait faire le choix d'Airbus. Rien n'est donc encore joué.
Pétrole: Shell chez les mollahs
Ce ne sont pas de discrets pourparlers mais bien des discussions officielles. Le géant pétrolier anglo-néerlandais a rencontré des officiels du régime iranien. Une première pour une major occidentale alors que l'embargo sur le pétrole de l'Iran est toujours en vigueur. L'un des dirigeants de l'italien Eni a aussi rencontré le mois dernier le ministre iranien du Pétrole, Bijan Zanganeh, rapporte le Financial Times . Doté des quatrièmes réserves mondiales de brut, l'Iran a besoin des investissements occidentaux pour remettre en état son infrastructure et augmenter sa production.
Finalement, après des conflits provoquant des millions de morts inutiles, la paix fait revenir une certaine espérance dans ce monde si trouble et si troublé.
Comme cela ne suffisait pas avec les mauvaises nouvelles latentes, voilà que le passé récent se mêle à cette cacophonie ambiante.
Le couple Sartre/Beauvoir qui ne l'a pas adulé ou critiqué.
Le couple Sarte/Beauvoir qui ne ne l'a pas placé dans un culte du féminisme avancé.
Etc ... etc...
Et finalement que c'est bien triste...
L'auteur des "mains sales" était prophétique à son sujet.
L'auteure du "deuxième sexe" banalisa sans le dire des mœurs plus que libertin.
Ces deux génies (sophistes) auraient mérités de prendre des distances sur une légende sulfureuse.
Lisez plutôt...
"
Simone et Bianca (???)
A 16 ans, Bianca devient l'amante de Beauvoir puis celle de Sartre. Un trio amoureux qui rejouera Les liaisons dangereuses à Saint-Germain-des-Prés
Il y a du Choderlos de Laclos dans cette histoire. Quand, cinquante ans après les faits, Bianca Lamblin relate dans ses Mémoires d’une jeune fille dérangée (Balland, 1993) son épisode amoureux flamboyant avec Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, c’est dans le vitriol qu’elle trempe sa plume. Elle vient de découvrir dans les Lettres à Sartre et le Journal de Guerre de Simone de Beauvoir, publiés quatre ans après la mort de cette dernière, le jeu ambigu qu’a mené le Castor avec la toute jeune fille qu’elle était alors. Et soudain c’est l’effondrement. Jamais elle n’aurait cru déceler une madame de Merteuil manipulatrice dans cette femme qu’elle a aimée au-delà de tout pendant un demi-siècle. Et pourtant…
L’histoire avait commencé dans l’effervescence, en 1937, lors de la rentrée scolaire au lycée Molière, à Paris, où Simone de Beauvoir venait d’être nommée professeur de philosophie. La parole rauque et rapide, le débit torrentiel, la nouvelle prof conquiert aussitôt ses élèves. « Tout en elle respirait l’énergie. L’intelligence de son regard d’un bleu lumineux nous frappa dès le début », écrit Bianca, qui porte alors son nom de jeune fille, Bienenfeld. « A seize ans, on est facilement ébloui », ajoute-t-elle. Issue d’une famille juive polonaise qui a connu bien des tribulations, l’adolescente sort à peine d’une enfance ballotée. Jolie, coquette, passionnée, elle est subjuguée par l’assurance de cette intellectuelle de vingt-neuf ans qui ne se sert d’aucune note, par le caractère éclatant, incisif, audacieux de ses jugements, son mépris cinglant pour les élèves peu douées. La future prêtresse du féminisme prône des idées neuves qui la troublent profondément: la liberté de la femme, son indépendance financière, le refus de son assujettissement par le mariage et la maternité. La jeune Bianca s’emballe, s’identifie à son modèle, au point de lui emprunter ses tics de langage et de vouloir devenir, comme elle, agrégée de philosophie. Au mois de mars, elle ose lui écrire son admiration. Très vite, elle reçoit en retour un pneumatique. Simone de Beauvoir lui donne rendez-vous dans un café de la rue de Rennes. La rencontre est chaleureuse, au point que le mentor propose à son élève de la voir en privé. C’est peu de dire qu’elle court: désormais Bianca vole, tous les dimanches, retrouver le Castor dans son minable hôtel de la rue Cels et les voilà parties pour des virées dans Paris, aux puces, à Montmartre, dans les parcs autour de la capitale. Leurs confidences se font de plus en plus tendres, de plus en plus intimes. Le bachot passé, elles font, sac au dos, une randonnée dans le Morvan pendant laquelle elles deviennent amantes, dans des auberges de fortune. Simone de Beauvoir a raconté à Bianca son âpre combat pour vaincre les préjugés de son milieu bourgeois et faire des études supérieures, et aussi sa rencontre décisive à la Sorbonne, pendant la préparation de l’agrégation, avec un groupe de normaliens. « Celui qui était le plus laid, le plus sale, mais aussi le plus gentil et suprêmement intelligent, c’était Sartre », lui confie le Castor. « Je sus immédiatement qu’il était l’amour de sa vie », écrit Bianca. Arrivés respectivement premier et seconde à l’agrégation, les deux brillants agrégés, devenus amants, se sont reconnu la même ambition dévorante, se sont juré de s’épauler mutuellement pour construire leur œuvre. Mais au prix d’un pacte qui, à l’époque, fera bien des émules dans le petit monde existentialiste de Saint-Germain-des-Prés. « Pas de mariage, surtout pas de mariage. Pas d’enfants, c’est trop absorbant. Vivre chacun de son côté, avoir des aventures; leur seule promesse était de tout se raconter, de ne jamais se mentir. En résumé, une liberté totale dans une transparence parfaite. Programme ambitieux! » En fait, quand Sartre a proposé ce pacte à Simone de Beauvoir sur un banc du jardin du Luxembourg, il ne lui a pas vraiment laissé le choix. « Entre nous, lui a-t-il dit, il s’agit d’un amour nécessaire: il convient que nous connaissions des amours contingentes. » C’est que le petit homme sale et laid, qui a su conquérir la bourgeoise repentie, est un vrai séducteur qui n’a pas vocation à la monogamie! Du haut de son mètre cinquante-sept, rondouillard, affligé de strabisme, les dents gâtées par le tabac, le teint brouillé par l’alcool et le n’importe quoi de son hygiène de vie, Sartre collectionne avec entrain les jolies femmes. Et n’entend pas renoncer à cette plaisante diversité! Pour compenser sa laideur, il dispose d’atouts convaincants: son image d’intellectuel prestigieux, la drôlerie de sa conversation, sa voix bien timbrée qui s’y entend en discours amoureux. Lui-même se dit doué « pour baratiner les femmes » et leur compagnie le divertit bien plus que celle des hommes avec lesquels il « s’ennuie crasseusement ». Il lui arrivera d’avoir sept maîtresses à la fois, chacune ignorant tout des autres, alors qu’il leur ment copieusement, leur promettant le mariage, selon un « code moral temporaire », comme il le confiera à son secrétaire, Jean Cau. Pour le Castor, c’était à prendre ou à laisser. Mais, dans le contexte de machisme de l’époque, l’arrangement qui la met sur un pied d’égalité avec Sartre passait quand même pour révolutionnaire.
Portée par ses dix-sept ans encore pleins d’enthousiasme, voilà donc l’ardente Bianca promue « amour contingente » de Beauvoir. Elle apprend vite pourtant qu’elle n’est pas la première. Son professeur, décidément sensible au charme féminin (un lesbianisme qu’elle se gardera bien de revendiquer dans ses livres), a déjà vécu une « amitié socratique » avec l’une de ses élèves russes, Olga Kosakiewicz, une fille fantasque et désinvolte qui a beaucoup troublé Sartre. Econduit par la jeune personne, il s’est consolé avec sa sœur, Wanda, devenue sa maîtresse. Tout cela sent le libertinage à plein nez et devrait pousser Bianca à la prudence. Mais la jeune juive n’a pas l’esprit libertin. Imprégnée, comme toute sa génération, par les amours tragiques de Tristan et Yseult – son roman culte qui, dit-elle, a « aggravé sa propension à la sentimentalité » –, elle s’attache avec exaltation. Et ne flaire pas le danger le jour où, devenue étudiante à la Sorbonne, Beauvoir lui conseille d’aller consulter Sartre sur un point de philosophie. On devine la suite: la cour assidue que lui fait l’écrivain pendant des mois avec la bénédiction complaisante de Beauvoir, les rendez-vous dans des cafés, ses lettres enflammées: « Ma petite Polak, mon amour », jusqu’au jour où flattée par tant d’attentions, Bianca accepte de consommer. On ne fera pas plus mufle que Sartre au moment où ils marchent vers l’hôtel: « La femme de chambre va être bien étonnée, lui dit-il d’un ton amusé et fat, car hier j’ai déjà pris la virginité d’une jeune fille. » Médusée, Bianca en restera coite. « En règle générale, j’ai la repartie vive. Mais là, justement parce que l’offense était grave, la vulgarité patente, je me tus. » La suite est du même tabac. « Je sentais bien qu’il était incapable de se laisser aller physiquement, de s’abandonner à une émotion sensuelle. » Crispée, glacée comme par les préparatifs d’un acte chirurgical, Bianca ne se laissera faire que les jours suivants « mais la frigidité était bien établie et persista durant tous nos rapports. » C’est qu’en dépit de sa boulimie sexuelle, Sartre était un piètre amant (« j’étais plus un masturbateur de femmes qu’un coïteur », reconnaîtra-t-il). Ce qui ne faisait pas l’affaire de Simone de Beauvoir, laquelle avait beaucoup de tempérament. En 1939, il ne couchaient déjà plus ensemble. Mais pour ne pas perdre son indéfectible compagnon, le Castor maintenait avec lui un lien sexuel par procuration. « Simone de Beauvoir puisait dans ses classes de jeunes filles une chair fraîche à laquelle elle goûtait avant de la refiler, ou faut-il dire plus grossièrement encore, de la rabattre sur Sartre », écrira rageusement Bianca, à soixante-dix ans passés, les yeux enfin dessillés. Un jeu dangereux, car Sartre – il le prouvera par la suite – était susceptible de tomber follement amoureux. Et Beauvoir, inquiète et jalouse, menait alors un vrai travail de sape, assez pervers, pour éliminer sa potentielle rivale. A-t-elle perçu ce danger avec Bianca? Dans les lettres qu’elle envoie alors à Sartre, en tout cas, elle se gausse du « pathétique » de la jeune fille qu’elle a baptisée du pseudo de Louise Védrine, elle raille ses badinages et son caractère ombrageux, raconte complaisamment comme elle se rit d’elle au Café de Flore avec Olga, en son absence. « Je vais encore vous couler Védrine… » Elle entraîne aussi l’écrivain dans des imbroglios minables, de constants mensonges, pour mieux cacher à Bianca son début d’idylle avec Jacques-Laurent Bost, un de ses jeunes collaborateurs à la revue Les Temps Modernes. Pleine de candeur, la jeune fille ne devine rien de cette duplicité. Elle aime, elle se croit aimée des deux écrivains, elle imagine leur trio singulier plein d’avenir, gravé dans le marbre. Sentant venir la guerre, pressentant ce qu’il lui en coûtera d’être juive, elle a un besoin vital de cette sécurité affective. Malgré leurs moments d’abandon, Beauvoir a parfois des sautes d’humeur, des exaspérations qu’elle s’explique mal. Mais alors, Sartre, qui a rejoint l’armée, s’emploie dans ses missives à rassurer « sa petite Polak »: « Mon amour, il est une chose que je sais bien, en tout cas, c’est que le Castor vit dans un monde où tu es partout présente à la fois. » Quand en février 1940, Bianca reçoit soudain une lettre de rupture du philosophe, c’est la stupeur. Beauvoir écrira en douce à Sartre: « Je ne vous reproche que d’avoir exécuté Védrine un peu trop à la grosse… mais c’est sans importance! » La révélation de la liaison de Beauvoir avec « le petit Bost » achèvera Bianca, qui se retrouve alors complètement larguée tandis qu’elle passe en zone libre. Blessée par ce double et cruel abandon, elle épousera Bernard Lamblin, un ancien élève de Sartre, et s’emploiera à échapper à la Gestapo (son grand-père et sa tante, la mère de Georges Perec, mourront en déportation). Elle finira par soutenir la Résistance avec son mari dans le Vercors mais dans un état de grave dépression, une sorte de psychose maniaco-dépressive. Un état qui va frapper Beauvoir quand les deux femmes se reverront après la guerre. « Je suis secouée à cause de Louise Védrine », écrit-elle à Sartre. Elle m’a remuée et pétrie de remords parce qu’elle est dans une terrible et profonde crise de neurasthénie – et que c’est notre faute, je crois, c’est le contrecoup très détourné mais profond de notre histoire avec elle. Elle est la seule personne à qui nous ayons vraiment fait du mal, mais nous lui en avons fait… Elle pleure sans cesse.. elle est terriblement malheureuse." Touchée par cette détresse, le Castor proposera à Bianca de renouer leur amitié, sur un plan strictement intellectuel cette fois. Et les deux femmes, pendant quarante ans, se rencontreront tous les mois, jusqu’à la mort de Beauvoir en 1986, en partageant leurs engagements politiques, dans un esprit de totale confiance pour Bianca.
En 1990, quand paraissent Les Lettres à Sartre, publiées par Sylvie Lebon, la fille adoptive de Beauvoir, c’est pourtant le coup de grâce. « Leur contenu m’a révélé sous un tout autre visage celle que j’avais aimée toute ma vie et qui m’avait constamment abusée. J’y lisais le dépit, la jalousie, la mesquinerie, l’hypocrisie, la vulgarité. Que Sartre m’ait sacrifiée à sa quête perpétuelle et vaine de séduction, soit. Mais que Simone de Beauvoir serve de pourvoyeuse à son compagnon est plus étonnant. Que dire d’un écrivain engagé comme elle dans la lutte pour la dignité de la femme et qui trompa et manipula, sa vie durant, une autre femme? », explique-t-elle. Contrainte d’exposer sa vérité, pour faire face à l’humiliation publique de ces Lettres scandaleuses, Bianca Lamblin portera à son tour un coup fatal à la légende du couple royal de l’existentialisme. En concluant ainsi ses Mémoires: « Sartre et Simone de Beauvoir ne m’ont fait finalement que du mal."
"La loi du 15 mars 2004 interdit le port de tenues et de signes religieux « ostensibles » à l'école. Elle s'applique depuis la rentrée scolaire 2004/2005.
Ce qu'il est interdit de porter :
- le voile, plus ou moins couvrant (hidjab, tchador, khimâr)
- la kippa
- les grandes croix chrétiennes (catholique, orthodoxe)
- le dastaar, turban avec lequel les Sikhs cachent leurs cheveux
- le bandana s'il est revendiqué comme signe religieux et couvre la tête
Qui est concerné ?
Les élèves des établissements scolaires publics, même majeurs, tout le personnel scolaire, enseignants compris, et les parents accompagnant les sorties scolaires.
Où s'applique l'interdiction ?
Les écoles, collèges et lycées publics (classes préparatoires et BTS compris), et tous les lieux extérieurs accueillant des activités scolaires (gymnases…). Les universités ne sont pas concernées.
En France et dans les territoires d'outremer suivant : France, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, et Mayotte. La loi ne s'applique pas en Polynésie.
Les risques encourus : une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à l'exclusion si l'élève persiste dans son refus d'enlever le signe religieux après un dialogue prolongé avec le chef d'établissement.
• La loi du 12 octobre 2010 interdit le port du voile intégrale dans l'espace public. Elle s'applique à compter du 11 avril 2011.
Ce qu'il est interdit de porter :
Tout ce qui dissimule le visage :
- le niqab
- la burqa
- les cagoules
- les masques
Exception : en cas de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles, processions religieuses notamment.
Qui est concerné ?
Tout le monde, y compris les touristes musulmanes.
Où s'applique l'interdiction ?
Dans l'espace public, à savoir la rue, les transports en commun (mais pas les voitures particulières), la plage, les jardins publics, les commerces, cafés et restaurants, magasins, banques, gares, aéroports, administrations, mairies, tribunaux, préfectures, hôpitaux, musées, bibliothèques.
La loi s'applique sur l'ensemble du territoire de la République, en métropole comme en outre-mer.
RESPECT DE LA LAÏCITÉ Port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics NOR : MENG0401138C RLR : 502-2 CIRCULAIRE N°2004-084 Du 18-5-2004 JO du 22-5-2004 MEN DAJ Réf. : L. n° 2004-228 du 15-3-2004 (JO du 17-3-2004) Texte adressé aux rectrices et recteurs d’académie ; aux inspectrices et inspecteurs d’académie, directeurs et directrices des services départementaux de l’éducation nationale
La loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, marque la volonté très largement partagée de réaffirmer l’importance de ce principe indissociable des valeurs d’égalité et de respect de l’autre. Elle témoigne de la volonté des représentants de la Nation de conforter l’école de la République. La présente circulaire précise les modalités d’application de la loi du 15 mars 2004. Elle abroge et remplace la circulaire du 12 décembre 1989 relative à la laïcité, au port de signes religieux par les élèves et au caractère obligatoire des enseignements, la circulaire du 26 octobre 1993 sur le respect de la laïcité, et la circulaire du 20 septembre 1994 relative au port de signes ostentatoires dans les établissements scolaires.
I - Les principes
La loi du 15 mars 2004 est prise en application du principe constitutionnel de laïcité qui est un des fondements de l’école publique. Ce principe, fruit d’une longue histoire, repose sur le respect de la liberté de conscience et sur l’affirmation de valeurs communes qui fondent l’unité nationale par-delà les appartenances particulières. L’école a pour mission de transmettre les valeurs de la République parmi lesquelles l’égale dignité de tous les êtres humains, l’égalité entre les hommes et les femmes et la liberté de chacun y compris dans le choix de son mode de vie. Il appartient à l’école de faire vivre ces valeurs, de développer et de conforter le libre arbitre de chacun, de garantir l’égalité entre les élèves et de promouvoir une fraternité ouverte à tous. En protégeant l’école des revendications communautaires, la loi conforte son rôle en faveur d’un vouloir-vivre-ensemble. Elle doit le faire de manière d’autant plus exigeante qu’y sont accueillis principalement des enfants. L’État est le protecteur de l’exercice individuel et collectif de la liberté de conscience. La neutralité du service public est à cet égard un gage d’égalité et de respect de l’identité de chacun. En préservant les écoles, les collèges et les lycées publics, qui ont vocation à accueillir tous les enfants, qu’ils soient croyants ou non croyants et quelles que soient leurs convictions religieuses ou philosophiques, des pressions qui peuvent résulter des manifestations ostensibles des appartenances religieuses, la loi garantit la liberté de conscience de chacun. Elle ne remet pas en cause les textes qui permettent de concilier, conformément aux articles L. 141-2, L. 141-3 et L. 141-4 du code de l’éducation, l’obligation scolaire avec le droit des parents de faire donner, s’ils le souhaitent, une instruction religieuse à leurs enfants. Parce qu’elle repose sur le respect des personnes et de leurs convictions, la laïcité ne se conçoit pas sans une lutte déterminée contre toutes les formes de discrimination. Les agents du service public de l’éducation nationale doivent faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté à l’égard de toutes les formes de racisme ou de sexisme, de toutes les formes de violence faite à un individu en raison de son appartenance réelle ou supposée à un groupe ethnique ou religieux. Tout propos, tout comportement qui réduit l’autre à une appartenance religieuse ou ethnique, à une nationalité (actuelle ou d’origine), à une apparence physique, appelle une réponse. Selon les cas, cette réponse relève de l’action pédagogique, disciplinaire, voire pénale. Elle doit être ferme et résolue dans tous les cas où un élève ou un autre membre de la communauté éducative est victime d’une agression (qu’elle soit physique ou verbale) en raison de son appartenance réelle ou supposée à un groupe donné. Parce que l’intolérance et les préjugés se nourrissent de l’ignorance, la laïcité suppose également une meilleure connaissance réciproque y compris en matière de religion. À cet égard, les enseignements dispensés peuvent tous contribuer à consolider les assises d’une telle connaissance. De même, les activités de “vivre ensemble” à l’école primaire, l’éducation civique au collège ou l’éducation civique, juridique et sociale au lycée constituent des moments privilégiés pour faire progresser la tolérance et le respect de l’autre. Plus spécifiquement, les faits religieux, notamment quand ils sont des éléments explicites des programmes, comme c’est le cas en français et en histoire, doivent être utilisés au mieux dans les enseignements pour apporter aux élèves les éléments de culture indispensables à la compréhension du monde contemporain.
II - Le champ d’application de la loi
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, “dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit”.
2.1 La loi interdit les signes et les tenues qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse
Les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive. La loi est rédigée de manière à pouvoir s’appliquer à toutes les religions et de manière à répondre à l’apparition de nouveaux signes, voire à d’éventuelles tentatives de contournement de la loi. La loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets. Elle n’interdit pas les accessoires et les tenues qui sont portés communément par des élèves en dehors de toute signification religieuse. En revanche, la loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu’il y attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l’établissement.
2.2 La loi s’applique aux écoles, aux collèges et aux lycées publics
La loi s’applique à l’ensemble des écoles et des établissements d’enseignement scolaire publics. Dans les lycées, la loi s’applique à l’ensemble des élèves, y compris ceux qui sont inscrits dans des formations post-baccalauréat (classes préparatoires aux grandes écoles, sections de technicien supérieur). La loi s’applique à l’intérieur des écoles et des établissements et plus généralement à toutes les activités placées sous la responsabilité des établissements ou des enseignants y compris celles qui se déroulent en dehors de l’enceinte de l’établissement (sortie scolaire, cours d’éducation physique et sportive...).
2.3 La loi ne modifie pas les règles applicables aux agents du service public et aux parents d’élèves
Les agents contribuant au service public de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un strict devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d’appartenance religieuse, même discret. Ils doivent également s’abstenir de toute attitude qui pourrait être interprétée comme une marque d’adhésion ou au contraire comme une critique à l’égard d’une croyance particulière. Ces règles sont connues et doivent être respectées. La loi ne concerne pas les parents d’élèves. Elle ne s’applique pas non plus aux candidats qui viennent passer les épreuves d’un examen ou d’un concours dans les locaux d’un établissement public d’enseignement et qui ne deviennent pas de ce seul fait des élèves de l’enseignement public. Ceux-ci doivent toutefois se soumettre aux règles d’organisation de l’examen qui visent notamment à garantir le respect de l’ordre et de la sécurité, à permettre la vérification de l’identité des candidats ou à prévenir les risques de fraudes.
2.4 Les obligations qui découlent, pour les élèves, du respect du principe de laïcité ne se résument pas à la question des signes d’appartenance religieuse
La loi du 15 mars 2004 complète sur la question du port des signes d’appartenance religieuse le corpus des règles qui garantissent le respect du principe de laïcité dans les écoles, collèges et lycées publics. Les convictions religieuses des élèves ne leur donnent pas le droit de s’opposer à un enseignement. On ne peut admettre par exemple que certains élèves prétendent, au nom de considérations religieuses ou autres, contester le droit d’un professeur, parce que c’est un homme ou une femme, d’enseigner certaines matières ou le droit d’une personne n’appartenant pas à leur confession de faire une présentation de tel ou tel fait historique ou religieux. Par ailleurs, si certains sujets appellent de la prudence dans la manière de les aborder, il convient d’être ferme sur le principe selon lequel aucune question n’est exclue a priori du questionnement scientifique et pédagogique. Les convictions religieuses ne sauraient non plus être opposées à l’obligation d’assiduité ni aux modalités d’un examen. Les élèves doivent assister à l’ensemble des cours inscrits à leur emploi du temps sans pouvoir refuser les matières qui leur paraîtraient contraires à leurs convictions. C’est une obligation légale. Les convictions religieuses ne peuvent justifier un absentéisme sélectif par exemple en éducation physique et sportive ou en sciences de la vie et de la Terre. Les consignes d’hygiène et de sécurité ne sauraient non plus être aménagées pour ce motif. Des autorisations d’absence doivent pouvoir être accordées aux élèves pour les grandes fêtes religieuses qui ne coïncident pas avec un jour de congé et dont les dates sont rappelées chaque année par une instruction publiée au B.O. En revanche, les demandes d’absence systématique ou prolongée doivent être refusées dès lors qu’elles sont incompatibles avec l’organisation de la scolarité. L’institution scolaire et universitaire, de son côté, doit prendre les dispositions nécessaires pour qu’aucun examen ni aucune épreuve importante ne soient organisés le jour de ces grandes fêtes religieuses.
III - Le dialogue
Aux termes du second alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation tel qu’il résulte de la loi du 15 mars 2004, “le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève”. 3.1 La mise en œuvre de la loi passe d’abord par le dialogue Le second alinéa de l’article L. 141-5-1 illustre la volonté du législateur de faire en sorte que la loi soit appliquée dans le souci de convaincre les élèves de l’importance du respect du principe de laïcité. Il souligne que la priorité doit être donnée au dialogue et à la pédagogie. Ce dialogue n’est pas une négociation et ne saurait bien sûr justifier de dérogation à la loi. 3.2 L’organisation du dialogue relève de la responsabilité du chef d’établissement Lorsqu’un élève inscrit dans l’établissement se présente avec un signe ou une tenue susceptible de tomber sous le coup de l’interdiction, il importe d’engager immédiatement le dialogue avec lui. Le chef d’établissement conduit le dialogue en liaison avec l’équipe de direction et les équipes éducatives en faisant notamment appel aux enseignants qui connaissent l’élève concerné et pourront apporter leur contribution à la résolution du problème. Mais cette priorité n’est en rien exclusive de tout autre choix que le chef d’établissement pourrait au cas par cas juger opportun. Pendant la phase de dialogue, le chef d’établissement veille, en concertation avec l’équipe éducative, aux conditions dans lesquelles l’élève est scolarisé dans l’établissement. Dans les écoles primaires, l’organisation du dialogue est soumise en tant que de besoin à l’examen de l’équipe éducative prévue à l’article 21 du décret n° 90-788 du 6 septembre 1990. Le dialogue doit permettre d’expliquer à l’élève et à ses parents que le respect de la loi n’est pas un renoncement à leurs convictions. Il doit également être l’occasion d’une réflexion commune sur l’avenir de l’élève pour le mettre en garde contre les conséquences de son attitude et pour l’aider à construire un projet personnel. Pendant le dialogue, l’institution doit veiller avec un soin particulier à ne pas heurter les convictions religieuses de l’élève ou de ses parents. Le principe de laïcité s’oppose évidemment à ce que l’État ou ses agents prennent parti sur l’interprétation de pratiques ou de commandements religieux.
3.3 En l’absence d’issue favorable au dialogue
Le dialogue devra être poursuivi le temps utile pour garantir que la procédure disciplinaire n’est utilisée que pour sanctionner un refus délibéré de l’élève de se conformer à la loi. Si le conseil de discipline prononce une décision d’exclusion de l’élève, il appartiendra à l’autorité académique d’examiner avec l’élève et ses parents les conditions dans lesquelles l’élève poursuivra sa scolarité.
IV - Le règlement intérieur
La loi du 15 mars 2004 s’applique à compter de la rentrée scolaire prochaine. Même si l’interdiction posée par le premier alinéa de l’article L. 141-5-1 est d’application directe, il est utile de la rappeler dans les règlements intérieurs et de veiller à ce que ceux-ci ne comportent plus de référence à la notion de signes ostentatoires qui s’appuyait sur la jurisprudence du Conseil d’État à laquelle la loi nouvelle se substitue. Les règlements intérieurs doivent rappeler, conformément aux prescriptions du second alinéa de l’article L.141-5-1, que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève. Les chefs d’établissement sont invités à soumettre aux conseils d’administration les clauses jointes en annexe. Les recteurs diffuseront prochainement aux établissements une liste des personnes qui auront pour mission de répondre aux questions que pourraient se poser les chefs d’établissement et les équipes éducatives. Ces correspondants académiques, sous l’autorité du recteur, seront eux-mêmes en contact étroit avec la direction de l’enseignement scolaire et la direction des affaires juridiques qui sont chargées de leur apporter toute l’aide nécessaire dans la mise en œuvre de la loi. Les recteurs et les correspondants académiques sont, en tant que de besoin, les points de contact avec les tiers intéressés à la mise en œuvre de la loi. Chaque chef d’établissement adressera au recteur de son académie avant la fin de l’année scolaire 2004-2005 un compte rendu faisant le bilan des conditions d’application de la loi dans son établissement et des éventuelles difficultés rencontrées. Une attention particulière doit être apportée à la rédaction de ces comptes rendus qui fourniront les informations nécessaires au travail d’évaluation prévu par l’article 4 de la loi.
Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche François FILLON
Annexe
MODÈLE D’ARTICLE À INSÉRER DANS LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE L’ÉTABLISSEMENT
“Conformément aux dispositions de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Lorsqu’un élève méconnaît l’interdiction posée à l’alinéa précédent, le chef d’établissement organise un dialogue avec cet élève avant l’engagement de toute procédure disciplinaire.”
Par conséquent, vous pouvez lire à présent le texte suivant :
LA RÉALITÉ DE L'APPLICATION DE LA LOI SUS DÉVELOPPE PAR UNE CERTAINE CATÉGORIE DE LA POPULATION FRANÇAISE
"Encore rare il y a vingt ans, le port du voile s'est répandu, ce qui suscite de nombreuses crispations au sein de la population française. Décidée à lutter contre cette expansion, une association musulmane s'est associée à une journée sans voile vendredi. Retour sur les motivations de celles, souvent jeunes, qui décident pourtant de l'arborer.
Le port du voile cristallise bien des tensions en France. D'autant qu'il s'est réellement répandu chez les jeunes musulmanes. S'il est difficile de chiffrer le phénomène, les spécialistes s'accordent sur sa montée en puissance ces vingt dernières années. Tandis que les générations précédentes ont lutté pour pouvoir le retirer, certaines filles d'aujourd'hui, qu'elles soient enfants d'immigrées ou converties à l'islam, prônent un retour au religieux et à l'affirmation publique de leur foi. Le port du voile, qui concernait des cas isolés il y a vingt ans, revêt désormais une dimension politique, idéologique et culturelle. « Au milieu des années 2000, on a vu se répandre le port du simple foulard et du voile intégral en France », affirme Raphaël Liogier, auteur du Mythe de l’islamisation (1).
"Le religieux, une manière de se distinguer"
Le port du voile « s’est développé d’une manière très différente de celle que l'on a pu observer dans le monde traditionnel musulman : on assiste à une revendication des jeunes filles pour ce qu’elles sont, d’une façon moderne. On a un retour vers la foi, une sorte de revival. Elles cherchent à retrouver leurs racines ; elles ont le sentiment que leurs parents ont délaissé leur religion et se sont soumis à la culture du pays d'accueil. » Le port du voile, que le sociologue compare à certains mouvements de jeunesse comme « le punk des années 1990 », se justifie presque de manière philosophique : « Le religieux, c’est une manière de se distinguer par la performance, de faire des choses difficiles justement parce qu’elles sont difficiles. » Cette rigueur que les jeunes filles s'imposent, au prix parfois d'un rejet, leur paraît gratifiante.
Il n’y aucune ambiguïté à propos du voile dans le Coran. C’est une obligation divine. Sabrina, 31 ans
Dans l’ouvrage de Faïza Zerouala Des voix derrière le voile (2), Sabrina, 31 ans, explique le choix qu'elle a fait il y a trois ans : « Il n’y aucune ambiguïté à propos du voile dans le Coran. C’est une obligation divine. Il nous est prescrit de préserver notre pudeur. Chez la femme, cela passe par le fait de se couvrir la tête et de ne dévoiler que son visage et ses mains. » Elle ajoute, comme pour contrer les accusations de machisme : « On l’oublie, mais l’homme aussi a des obligations en ce sens. Il doit cacher son torse et porter des vêtements décents. »
Cette rhétorique religieuse, que les filles voilées avancent constamment, fait pourtant l'objet de débats, même chez les penseurs musulmans. Pour l'imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, « il y a un conflit sur la perception de ce vêtement. Le concept de voile islamique me gêne. Il n’y a pas d’habit islamique, ni pour les hommes ni pour les femmes. Certains musulmans exagèrent cette pratique et la juge essentielle, alors qu’il n’y a pas de fondement univoque dans les textes. » L'imam voit dans le port du voile une sorte de « mode ». « C’est une pratique devenue tendance. Le voile est devenu un objet cosmétique, esthétique. On le met de manière à attirer, pour séduire. On le détourne de son sens premier : celui de traduire une pudeur. »
Un fossé intergénérationnel
Inquiètes, des féministes québecoises ont décidé de faire du 10 juillet une « journée sans voile » pour envoyer un signal et porter la lutte sur la place publique. Cette année, le collectif Femmes sans voile d'Aubervilliers, qui considère le voile comme la « marque d’une inégalité sexiste et imposée par le patriarcat », a rejoint le mouvement. Nadia Ben Missi, membre de l’association, rappelle « qu’il n’est ni une exigence ni une obligation religieuse. Elles disent qu'elles l'ont choisi, qu'elles sont libres. Elles le justifient par l’islam et la culture qui y est associée, sans réaliser que c'est en fait une interprétation radicale de l’islam. Ce n'est pas la seule façon d'être musulmane. Or ces femmes vont jusqu’à considérer les autres comme des mécréantes. »
Il n’y a pas d’habit islamique, ni pour les hommes ni pour les femmes. Tareq Oubrou, imam de Bordeaux
Nadia Ben Missi a commencé par observer et a vu le phénomène s'étendre. Elle dénonce « un travail de prosélytisme important. J’enseigne dans un collège et mes élèves se voilent. Difficile de savoir si cela relève de leur initiative. Elles disent que c’est sacré ». Un dialogue de sourds s'est installé. Car une incompréhension profonde sépare les Femmes sans voile des jeunes femmes nouvellement voilées, selon Raphaël Liogier. « Ces musulmans qui ont le sentiment de s’être libérés du voile ne comprennent pas l'autre mouvement, celui qui reviendrait vers quelque chose d'imposé aux yeux des premiers. C’est une génération de musulmans traumatisée par l’imposition du port du foulard dans leur culture » qui a soudain décidé de s'associer à une lutte jusqu'à présent conduite, au nom de la laïcité, par les institutions.
(1) Le Mythe de l'islamisation. Essai sur une obsession collective, de Raphaël Liogier, Éd. du Seuil, 212 p., 16 €.
(2) Des voix derrière le voile, de Faïza Zerouala, Éd. Premier Parallèle, 258 p., 5,99 €.
CONCLUSION
Bref !!!
Comme on peut le voir, c'est extrêmement simple !!!! Appliquons là loi et rien que la loi mais certains pensent que la loi est exclusivement coranique...
Ah !!! Si les représentants d'autres religions pouvaient avoir la même liberté d'expression dans ces pays à 100% respectant la loi coranique !!!
Voici une nouvelle qui nous provient des Etats-Unis.
Lisez (en français et en anglais) et un site dédié.
En cette période de crise, les disparités deviennent toujours plus flagrante.
"À moitié caché dans le centre de l'Idaho au milieu des montagnes sauvages et gothiques désert légèrement foulé est un élément important de l'histoire du ski.
Sun Valley est devenue la première station de ski de destination des États-Unis quand il a ouvert à la veille des Jeux olympiques d'hiver 1936 bavaroises (le premier à inclure le ski alpin comme un événement). Aujourd'hui, il respire encore un éclat lumineux et poli. Choisi comme une station après une recherche à long tatillonne par la Union Pacific Railroad rejeton William Averell Harriman et par la suite diffusé par les membres du Glitterati, dirigé par nature-amant Ernest Hemingway, Sun Valley arborait alors premier télésiège du monde et un pavillon de ski opulente qui est devenu rapidement une deuxième maison pour les riches et célèbres.
Winter wonderland
L'historique Sun Valley Lodge est toujours debout et continue de faire appel à une clientèle chic Hollywood. La station balnéaire se est développé et régulièrement amélioré ses installations de ski cours des sept dernières décennies, même si elle reste un lieu raffiné et beau dépourvu de fast-foods ou laide condo étalement. Dans l'esprit de ses légions de fans (pas tous d'entre eux zillionaires), ce manque de hullaballoo est l'attraction principale de Sun Valley. Tout aussi séduisante est la pénurie de lignes de levage, les sans-vent montagne pistes bien entretenues, et le soleil d'hiver âme enrichir. Certes, la neige - 200 pouces par an - pourrait ne pas être aussi abondant que ce est à Jackson Hole ou Aspen, mais avec le plus grand équipement de fabrication de neige automatisé aux États-Unis, il importe peine. En outre, à long racé de Sun Valley se exécute (la chute de 2000 pieds d'altitude "Warm Springs" est un éternel favori) sont si méticuleusement soigné, on pourrait presque faire du vélo les descendre.
Télésiège d'origine du monde, inspiré par les mécaniciens de courroies transporteuses commerciales banane et capable de transporter 400 skieurs par heure, est une relique prisée et vit dans un musée dans le Michigan maintenant. Sur les pentes de Sun Valley, il a été remplacé par des équipements plus rationalisée, notamment l'Express Gondola Roundhouse introduit en 2009, qui, avec d'autres douzaine de mécaniques de la station, peut faire face à jusqu'à 30 000 skieurs par heure. Une autre innovation récente est la montagne Terrain Park Dollar, conçu pour attirer les familles à une station parfois incorrectement étiqueté comme élitiste et cher. Chasseurs de bonnes affaires peuvent chercher des équipements de ski de seconde main dans la mine d'or de Thrift Store et réserver des chambres dans les logements économiques tels que l'Tamarack Lodge, avec sa piscine intérieure et un bain à remous extérieur ou l'Lift Tower Lodge, un rétro motel mignon.
Ski à Sun Valley / Image courtoisie de la visite Sun Valley
Kickin 'It à Ketchum
Ski pourrait être la raison d'être de la Sun Valley, mais ce est la petite ville de Ketchum, à un mile au sud, qui maintient le lieu authentique et intéressant. Ketchum, qui se trouve au pied de la plus grande montagne de ski de la région surnommée «Baldy,« antérieure à Sun Valley par un demi-siècle. Il était à l'origine un centre minier et plus tard un lien pour le transport des moutons grâce à sa proximité avec l'Union Pacific Railroad. En conséquence, Ketchum conserve le grain et soulfulness d'un véritable ancienne colonie frontière Ouest. Sur la fin, son âme a été tempérée par une série culturelle croissante, peut-être inspiré par le fantôme de l'ancien écrivain résident, M. Hemingway. De nombreuses galeries ponctuent les oldtimers devantures de magasins du centre-ville compacte de Ketchum et sont liés par l'art se rencontrent avec l'artiste périodique promenades dans les mois les plus chauds. Poids culturel a été ajouté en 2008 avec l'ouverture de la vallée du Pavillon Sun, dont les droits ont été symphonie concerts devenu quelque chose d'une légende locale. Au niveau local, la ville dispose également d'un opéra et un théâtre communautaire à but non lucratif, le Nexstage.
Hiver courtoisie rues / Image de la visite Ketchum Sun Valley
Summer in SV et Stanley
L'hiver est seulement une partie de l'histoire de Sun Valley. Après tout, ce est de l'Idaho, une terre brutalement accidenté de montagnes crénelées et des rivières en cascade qui abrite plus sauvage que ne importe où dans le Lower 48. Oui, en été il ya des terrains de golf et une belle cachette de pavillons chics logement méga-riches entrepreneurs de technologie, mais il est également tueur en camping, la randonnée, la pêche et le vélo de montagne.
Pour le vrai back-of-delà de l'expérience, vous aurez besoin de forger 60 miles au nord de Sun Valley à la ville piqûre de Stanley. Stanley est le genre de communauté où vous arrivez à l'heure du déjeuner et que vous avez déjà rencontré la plupart des habitants locaux à la nuit tombée. Sa renommée repose sur deux piliers: pêche à la mouche épique sur la rivière Salmon et le meilleur désert rafting aux États-Unis. Période. Les deux excursions peuvent être organisées à travers les voyages Solitude rivière hautement cotées.
Summertime à Sun Valley / Image courtoisie de la visite Sun Valley
repaires de Hemingway
Retour à Ketchum, vous pouvez retirer à des fouilles plus confortables pour non blanchir vos doigts après. Si vous êtes sur un tour du monde de bars Hemingway-fois-got-sloshed-ici, Ketchum, chronologiquement, devrait être votre dernier arrêt. (Le célèbre écrivain mourut en 1961.) Le Casino Club (208-726-9901; 220 N Main St) est un bar de plongée local où la fin écrivain apparemment abattu quelques pots, mais ces jours, vous êtes plus susceptibles de partager salle de coude avec les hommes tatoués sur Harleys essayant de surpasser les uns les autres sur les tables de billard. Le Pioneer Saloon est un autre ancien salle de jeux illicites décoré de têtes de cerfs et armes anciennes où vous pouvez commander ne importe quoi tant que ce est steak. Pour une nuit hors de la viande, a frappé Pousse-pousse, une cabane de hippie comme juste à côté de la rue principale qui fait tapas fusion asiatique.
Contrairement à d'autres sanctuaires Hemingway à travers le monde, Sun Valley ne pas aller trop loin sur ses associations de Papa: Vous aurez du mal à trouver le cimetière local poignante où l'écrivain est enterré aux côtés de sa quatrième épouse, Mary, et sa petite-fille Margot. Coins, des cigares et des bouteilles d'alcool sont parfois laissées par son modeste tombe. Si vous louez un vélo, vous pouvez utiliser sentiers polyvalents de la vallée de naviguer au nord à un monument en l'honneur Hemingway situé près de Trail Creek one mile-delà de la Sun Valley Lodge. Cette re-création de la célèbre visage du romancier coulée en bronze et décoré avec de meilleur de tout ce qu'il aimait l'automne "sur une plaque dessous semble par inadvertance pour résumer Sun Valley les mots: un mélange improbable de l'art, la littérature, la nature, et de la célébrité subtilement moulé contre la spectaculaire toile de fond de montagne de l'Idaho.
Superbe toile de fond de Sun Valley au crépuscule / Image courtoisie de la visite Sun Valley
ET ...
"Hundreds of private planes have descended on Sun Valley for this year's 'summer camp for billionaires'
The biggest names in tech and media have arrived in Sun Valley, Idaho for the annual conference hosted by investment bank Allen & Co.
The event is known as "billionaire's summer camp" for a reason — Elon Musk, Rupert Murdoch, Barry Diller, Jeff Bezos, Jack Dorsey, and Sheryl Sandberg have already made their arrival at the Sun Valley Resort.
And their preferred mode of transportation? Private plane.
The event is considered one of the year's biggest for private jets, with officials at Friedman Memorial Airport expecting between 250 and 300 jets operate on Tuesday alone, according to Airport Manager Rick Baird.
"This is the busiest week we will have all year-round by far," Baird told Business Insider.
Baird warned of possible delays in a letter to flight operators in June.
"The most arrival-congested window at SUN, during this event, is between the hours of 12:00 pm and 6:00 pm (lcl) on these days," he wrote. "Scheduling arrivals prior to or after this period will likely afford less inconvenient delay."
Une nouvelle venant de France, (pour les lecteurs non francophone) pourrait attirer notre attention.
Un ami revenant d'un pays du Maghreb septentrionale (le Maroc littoral et pré-Atlasique) nous disait sa préoccupation sur le fait que l'ensemble des édifices religieux construit avant la fin du protectorat Français en 1956, étaient soit désaffectés soit attribués à une autre activités (lieu de loisir, bibliothèque ou salle à usage quelconque).
Rien de bien anormal dans une Monarchie Constitutionnelle relevant et ne pratiquant d'une religion très largement répandue sur l'ensemble du Maghreb.
En revanche, ce qui peut paraître curieux pour ne pas dire étonnant réside dans le fait qu'un pays membre de l'Europe (la France en l'occurrence) , héritière de deux millénaires de tradition judéo-chrétienne et actuellement (encore pour quelques temps) majoritairement d'obédience chrétienne (pour ne pas dire de rite Catholique Romaine), il soit possible de réaliser une transformation, avec l'assentiment et le soutien finalement des pouvoirs publics, d'un lieu de culte dédié à une tradition chrétienne par une tradition d'une religion très largement répandue dans le Maghreb septentrionale.
Finalement, l'article que vous allez lire relève du constat, à savoir celui du déni de l'Histoire où même un représentant du Culte de la religion la plus répandue du Maghreb propose pour ne pas dire exige de pouvoir transformer sinon détruire et construire (comme c'est le cas dans la ville littorale française de Nantes) un édifice pouvant recevoir des sympathisants et pratiquants de cette religion très largement répandue dans le Maghreb septentrionale.
La France est un pays tolérant pratiquant le savoir vivre ensemble et l'expression d'une liberté individuelle sans condition d'origine, aussi, comme les habitants de ce pays aimeraient finalement que soit respecté ce même axiome dans les pays s'inscrivant dans le Maghreb.
Lorsque l'on voit le sort des traditions chrétiennes résidant et s'inscrivant dans une histoire multiséculaire dans le proche et Moyen-Orient, on peut se demander légitimement si ce déni de liberté de culte n'arrive pas dans un processus de désagrégation par asphyxie progressive et extinction des feux follets de liberté de culte par changement lent de tradition en provenance d'une religion très largement dans le Maghreb septentrionale.
Appréciez le texte :
"Dans le chef-lieu de la Loire- Atlantique, une église abandonnée par ses fidèles a été transformée en mosquée, avant d’être finalement rasée pour faire place à un bâtiment de plus grande taille. Une histoire édifiante.
La petite chapelle Saint-Christophe a vécu. Aujourd’hui, c’est un minaret haut de 17 mètres et un dôme de 12 mètres de diamètre qui dominent, à Nantes, le quartier du quai Malakoff. La mosquée Assalam, associée à son centre culturel, inauguré en novembre 2012 en présence du maire de la ville, du président de la région, du sous-préfet, du président de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), mais aussi des consuls d’Algérie et du Qatar, est la plus imposante de l’ouest de la France et la quatrième du pays.
L’histoire est exemplaire. Construite dans les années 1950, la petite chapelle Saint-Christophe accueille alors les ouvriers portugais et italiens qui habitent le quartier. Progressivement, ceux-ci font place à des immigrés venus du Maghreb. En 1984, l’Association islamique de l’ouest de la France (AIOF), qui existe alors depuis une quinzaine d’années, obtient de la ville et du diocèse que la chapelle lui soit cédée. Celle-ci est alors désaffectée mais « la croix a été masquée pour notre arrivée », confiait un fidèle au site musulman Salam News. El Forqane remplace Saint-Christophe.
Le lieu, sommairement aménagé, devient vite trop exigu. En outre, un projet d’aménagement urbain le promet à la destruction. Soutenue par la municipalité, alors dirigée par Jean-Marc Ayrault, l’AIOF décide alors l’achat, en 2007, d’un vaste terrain voisin sur lequel ériger un nouveau bâtiment en remplacement d’El Forqane. Aujourd’hui, Nantes compte cinq mosquées. Après avoir été la première d’entre elles, l’ancienne petite chapelle a été détruite l’an dernier…"
Voici un texte magnifique et dont la relecture doit pouvoir rendre la grandeur de l'école.
Merci à l'académicien Jean-Marie Rouart de nous témoigner cette amour de l'école et le style pour redéfinir et reprendre finalement un projet de loi sinon une loi contraire aux intérêts et à la grandeur de la France.
"La réforme de l’Éducation, portée par la ministre Najat Vallaud-Belkacem, menace les humanités classiques. Supprimer le latin et le grec, c’est toucher aux piliers de notre culture.
Les Français sont fiers de leurs Prix Nobel ; fiers de leurs athlètes qui remportent des médailles aux Jeux olympiques ; orgueilleux lorsque l’équipe de France gagne la Coupe du monde de foot ; respectueux et admiratifs des bêtes à concours qui essaiment à l’Ecole polytechnique ou à Saint-Cyr. A aucun moment ne leur vient à l’esprit de remettre en cause le système profondément élitiste qui a abouti, à la suite d’une impitoyable sélection, à la distinction de l’excellence. Au contraire, ce mérite publiquement récompensé les rassure car il n’est entaché par aucun soupçon de fraude ou de favoritisme. Au-delà de l’orgueil national, il flatte une certaine idée de la justice. D’où vient alors que ce même peuple en soit arrivé, dans un domaine fondateur de la société, l’enseignement, à remettre en cause tout ce qui, de près ou de loin, s’apparente à des classements ? Comme si la sélection des meilleurs élèves était vécue telle une insulte vis-à-vis des moins bons, comme si la distinction entre les bonnes notes et les mauvaises devait être effacée ; comme si, enfin, la sélection par les études au collège n’était qu’un moyen de favoriser une classe sociale dominante, arrogante, qui veut conserver ses privilèges et son pouvoir au détriment des défavorisés, des enfants des banlieues et des laissés-pour-compte de la diversité.
Pendant plus d’un siècle, l’école a pourtant montré à quel point elle avait été un formidable creuset de promotion sociale. On n’en finirait pas de citer les élites qui, issues des milieux les plus modestes, ont pu accéder grâce à l’ascenseur républicain aux plus hautes fonctions : de Georges Pompidou à Arthur Conte, fils de pauvres viticulteurs catalans, jusqu’à Rachida Dati, on ne compte plus les hommes et les femmes auxquels le système d’éducation alors en vigueur a donné leur chance. Par leur intelligence, leur mérite, leur travail, ils ont réussi à contrebalancer la fatalité sociale qui risquait de les enfermer dans la misère, l’ignorance et l’oubli de leur mérite. Le projet de réforme du collège que prépare Najat Vallaud-Belkacem ne soulèverait pas une telle tempête de protestations, droite et gauche confondues, s’il ne donnait la fâcheuse impression de vouloir apporter une révolution copernicienne dans le collège. Le cancre s’y substitue au fort en thème comme clé de voûte du système, l’élève en difficulté y supplante le cador. Le mérite n’est plus le propre de l’individu, il est le vestige d’un privilège social. Si les principaux griefs que l’on formule touchent à l’inéluctable suppression du grec et du latin, ce n’est pas seulement en raison du caractère hautement symbolique que revêtent ces deux disciplines dans l’histoire de la culture et même de la civilisation française, c’est parce qu’elle révèle derrière ce projet une entreprise beaucoup plus vaste, turlutaine de certains socialistes doctrinaires, qui considèrent qu’il faut revenir au processus interrompu de 1789, au but même de la Révolution française : changer l’homme.
Et, pour changer l’homme, il faut le débarbouiller de cette culture classique, apanage culturel des classes bourgeoises. Rien de plus périphérique et anecdotique en apparence que l’étude de ces langues mortes – déjà ce qualificatif ne présage rien de bon – qui ne sont pas « utiles », puisque plus personne ne songe à les parler, et sentent le régent de collège et la sacristie. Pourtant, supprimer le grec et le latin, c’est arracher le cœur culturel de la France. Ces langues sont constitutives de ce que nous sommes, la matrice de la civilisation française qui s’est abreuvée à trois sources : la mer Egée, le Tibre et le Jourdain. Athènes, Rome et Jérusalem ont nourri tout à la fois notre culture et notre imaginaire, notre philosophie et notre sensibilité, notre science et nos croyances. Il est impossible de dire ce que nous serions sans l’apport de ces trois influences essentielles. Ce qui est certain, c’est que nous ne serions pas les mêmes. Que le christianisme se soit développé sans chercher à éradiquer la culture païenne d’Athènes et de Rome mais au contraire en la préservant, en sauvant ses manuscrits dans les monastères lors des invasions barbares, montre que, dans son triomphe, il n’a pas méprisé les vieilles idoles. Retenant leurs leçons, il a poursuivi avec elles un fructueux dialogue culturel. Par elles, il a compris que la beauté pouvait être le meilleur soutien de son message. Et ce dialogue s’est poursuivi dans la littérature : la Renaissance et l’époque classique se sont encore rapprochées de ces sources d’inspiration, les prenant pour modèle de l’art accompli. On sait tout ce que La Fontaine doit au Grec Esope, ce que La Bruyère a emprunté aux caractères du Grec Théophraste, ce que Racine, Corneille doivent à Phèdre, à Andromaque, à Bérénice et aux grands héros de l’Antiquité. Et qu’est-ce que Montaigne, le Français par excellence, dont l’œuvre nous semble aujourd’hui si proche et fraternelle, sinon un homme mûri dans la connaissance intime du grec et du latin, et trouvant en eux la justification de son esprit de tolérance. Pendant des siècles, le voyage à Rome des écrivains, des peintres, des sculpteurs, de tous les artistes a été considéré comme un inappréciable pèlerinage aux sources.
Il n’est pas jusqu’aux révolutionnaires de 1789 qui, coiffés à la Titus, n’aient puisé leur éloquence dans Cicéron, eux qui se jetaient à la figure les noms de Brutus, de Caton, de César et de Pompée. La république romaine battait dans leur cœur. En fait il n’est nul besoin d’aller chercher très loin les raisons qui poussent Najat Vallaud-Belkacem dans son entreprise. Elles sont contenues en filigrane dans les idées déjà exprimées par son prédécesseur, Vincent Peillon, et partagées par beaucoup de socialistes doctrinaires. Pour eux la France ne commence qu’avec la République et la Révolution. Comme si les quinze siècles monarchiques imprégnés de christianisme n’avaient été qu’une période d’obscurantisme heureusement combattue par les Lumières. On tremble un peu à la lecture de la prose de Vincent Peillon quand il ne craint pas d’écrire dans son ouvrage « La Révolution française n’est pas terminée » : « La Révolution implique l’oubli total de ce qui précède la Révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches prérépublicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi. »
Cette conception religieuse de l’école laïque – Jean d’Ormesson a qualifié Peillon de « maoïste doux à la façon khmer rose » –, il est manifeste qu’elle inspire à son tour la ministre de l’Education. Car, dans son projet de réforme, ce sont l’étude du christianisme – au profit de celle de l’islam – aussi bien que les humanités grecques et latines qui doivent être réduites à leur plus simple expression. On peut être athée, libre- penseur, laïque et être néanmoins conscient que la civilisation française devient incompréhensible si l’on fait disparaître ces indispensables clés. On erre sans rien comprendre dans nos rues, au musée du Louvre, dans les cathédrales. Le calendrier et ses fêtes sont illisibles. Notre histoire, et ses soubassements culturels qui nous permettaient de nous situer, cesse de nous être familière. On risque, pour le coup, d’être étranger à son propre pays dont on ne comprend plus d’où il vient, comment il s’est formé, quels courants de pensée l’ont façonné. Ce projet d’un pédagogisme débridé inspire aux apparatchiks de l’Education nationale leurs innovations les plus abracadabrantesques : à commencer par un jargon qui insulte autant le bon sens que cette clarté, dont Rivarol disait qu’elle était la caractéristique de la langue française. Certes on a beaucoup ri de la novlangue qui transforme une piscine en « milieu aquatique profond standardisé », les dictées en exercices ou « l’élève exercera sa vigilance orthographique », où courir devient « créer de la vitesse », nager tout simplement « traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion de la tête ». Rire ou pleurer.
Il paraît bien aventureux qu’une réforme de cette importance, qui touche à des questions si graves, engageant l’avenir d’une génération, soit lancée hors de la représentation nationale, sans débat, par une jeune ministre qui a moins d’expérience que d’outrecuidance. Il en faut en effet une certaine dose pour traiter de « pseudo-intellectuels » des hommes qui, tels Régis Debray, Marc Fumaroli, Luc Ferry ou un socialiste de bon sens comme Jacques Julliard, ont osé faire part de leurs inquiétudes. Dans ses célèbres anaphores inspirées de la plus pure rhétorique latine, François Hollande n’avait pas dit : « Moi président, je vais façonner un homme nouveau. Moi président, je mettrai fin aux pierres de touche de la civilisation française. Moi président, je réintroduirai le fanatisme révolutionnaire dans l’enseignement. »
Au moment où la France est tirée à hue et à dia, prisonnière de ses contradictions ontologiques, hésitante sur elle-même, ses valeurs, sa mission, ne sachant plus quel modèle incarner, ce projet ne fait que rajouter de l’incohérence à l’incohérence. On ne luttera pas contre la montée du communautarisme par la magie de « l’interdisciplinarité » qui consiste à noyer le poisson du véritable savoir. On ne répondra pas non plus aux exigences de la compétitivité et de l’excellence en évitant aux élèves de redoubler leur classe. On va un peu plus démoraliser les élites, décourager le talent, sans vraiment donner d’espérance aux cancres et aux élèves qui ne sont pas au niveau : on ne fera que retarder le réveil de leur illusion. La disparition des humanités, sacrifiées sur l’autel d’un égalitarisme sommaire, nous empêchera de dialoguer avec un passé prestigieux ; elle rendra peu à peu obsolètes et incompréhensibles toutes les œuvres de l’esprit qui s’en inspirent et s’y réfèrent. Après avoir abandonné Homère et Platon, Virgile et César, on finira par se priver des auteurs qu’ils ont nourris et, de fil en aiguille, on détricotera tout le tissu culturel qui forme ce qu’on peut appeler d’un terme un peu pompeux mais pourtant exact : notre civilisation. L’homme nouveau, seul, sans passé, livré à la tyrannie du présent sans être pour autant délivré des angoisses de l’avenir, subira la servitude des aveugles qui tâtonnent dans leur nuit. Ce qui désole, c’est tout le temps et le nombre de génies qu’il aura fallu pour construire ce chef-d’œuvre, legs d’une culture millénaire, et le si peu de temps qu’il aura fallu aux politiques pour le détruire, par caprice, d’un trait de plume.
La crise est un changement mais également une volonté de changement. Ce texte en anglais et en français montre que la lecture d'une crise reste complexe et demande réflexion et une dose d'humilité mais également de compétence.
Nobel laureate tells TIME that the institutions and countries that have enforced cost-cutting on Greece "have criminal responsibility"
A few years ago, when Greece was still at the start of its slide into an economic depression, the Nobel prize-winning economist Joseph Stiglitz remembers discussing the crisis with Greek officials. What they wanted was a stimulus package to boost growth and create jobs, and Stiglitz, who had just produced an influential report for the United Nations on how to deal with the global financial crisis, agreed that this would be the best way forward. Instead, Greece’s foreign creditors imposed a strict program of austerity. The Greek economy has shrunk by about 25% since 2010. The cost-cutting was an enormous mistake, Stiglitz says, and it’s time for the creditors to admit it.
“They have criminal responsibility,” he says of the so-called troika of financial institutions that bailed out the Greek economy in 2010, namely the International Monetary Fund, the European Commission and the European Central Bank. “It’s a kind of criminal responsibility for causing a major recession,” Stiglitz tells TIME in a phone interview.
Along with a growing number of the world’s most influential economists, Stiglitz has begun to urge the troika to forgive Greece’s debt – estimated to be worth close to $300 billion in bailouts – and to offer the stimulus money that two successive Greek governments have been requesting.
Failure to do so, Stiglitz argues, would not only worsen the recession in Greece – already deeper and more prolonged than the Great Depression in the U.S. – it would also wreck the credibility of Europe’s common currency, the euro, and put the global economy at risk of contagion.
So far Greece’s creditors have downplayed those risks. In recent years they have repeatedly insisted that European banks and global markets do not face any serious fallout from Greece abandoning the euro, as they have had plenty of time to insulate themselves from such an outcome. But Stiglitz, who served as the chief economist of the World Bank from 1997 to 2000, says no such firewall of protection can exist in a globalized economy, where the connections between events and institutions are often impossible to predict. “We don’t know all the linkings,” he says.
Many countries in Eastern Europe, for instance, are still heavily reliant on Greek banks, and if those banks collapse the European Union faces the risk of a chain reaction of financial turmoil that could easily spread to the rest of the global economy. “There is a lack of transparency in financial markets that makes it impossible to know exactly what the consequences are,” says Stiglitz. “Anybody who says they do obviously doesn’t know what they’re talking about.”
Over the weekend the prospect of Greece abandoning the euro drew closer than ever, as talks between the Greek government and its creditors broke down. Prime Minister Alexis Tsipras, who was elected in January on a promise to end austerity, announced on Saturday that he could not accept the troika’s “insulting” demands for more tax hikes and pension cuts, and he called a referendum for July 5 to let voters decide how the government should handle the negotiations going forward. If a majority of Greeks vote to reject the troika’s terms for continued assistance, Greece could be forced to default on its debt and pull out of the currency union.
Stiglitz sees two possible outcomes to that scenario – neither of them pleasant for the European Union. If the Greek economy recovers after abandoning the euro, it would “certainly increase the impetus for anti-euro politics,” encouraging other struggling economies to drop the common currency and go it alone. If the Greek economy collapses without the euro, “you have on the edge of Europe a failed state,” Stiglitz says. “That’s when the geopolitics become very ugly.”
By providing financial aid, Russia and China would then be able to undermine Greece’s allegiance to the E.U. and its foreign policy decisions, creating what Stiglitz calls “an enemy within.” There is no way to predict the long-term consequences of such a break in the E.U.’s political cohesion, but it would likely be more costly than offering Greece a break on its loans, he says.
“The creditors should admit that the policies that they put forward over the last five years are flawed,” says Stiglitz, a professor at Columbia University. “What they asked for caused a deep depression with long-standing effects, and I don’t think there is any way that Europe’s and Germany’s hands are clean. My own view is that they ought to recognize their complicity and say, ‘Look, the past is the past. We made mistakes. How do we go on from here?’”
The most reasonable solution Stiglitz sees is a write-off of Greece’s debt, or at least a deal that would not require any payments for the next ten or 15 years. In that time, Greece should be given additional aid to jumpstart its economy and return to growth. But the first step would be for the troika to make a painful yet obvious admission: “Austerity hasn’t worked,” Stiglitz says.
"Les conséquences des images violentes sur les enfants préoccupent les parents, les pédagogues et les pouvoirs publics. Télévision, cinéma, jeux vidéos ont-ils une influence sur les comportements des « bandes », en particulier dans les banlieues ?Mais comment définir les images « violentes » ? Leurs effets sont-ils les mêmes selon qu'elles sont vues par des garçons ou par des filles, par des enfants de milieu social favorisé ou défavorisé ? Les enfants qui parlent plus facilement de ce qu'ils ont ressenti face à elles sont-ils mieux protégés que les autres ? Et comment interfèrent les groupes et les images pour entraîner des comportements violents qu'on est parfois tenté d'attribuer trop rapidement aux images seules ?En fait il n'existe pas une seule forme de violence des images, mais deux : l'une agit en réveillant des traumatismes passés enfouis, l'autre bouscule les repères et menace les possibilités de penser indépendamment des expériences personnelles. Dans les deux cas la violence des images prépare à la violence des groupes et la violence des groupes aggrave celle des images.Cependant il existe des moyens de faire face à cette situation. Ils concernent à la fois les parents, les enseignants et les pouvoirs publics et engagent dans tous les cas l'éducation.Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, est l'auteur de plusieurs ouvrages à succès sur les relations que nous entretenons avec les images : Tintin chez le psychanalyste, Psychanalyse de la bande dessinée, Y a-t-il un pilote dans l'image ?, Le bonheur dans l'image. En 1997, il a été chargé par la Direction générale de l'action sociale et le Ministère de la Culture d'une recherche de trois ans concernant les effets des images sur les 11/13 ans. Il a récemment publié Petites mythologies d'aujourd'hui, Aubier, 2000. L'imitation des images. Quand les images menacent la pensée. De la violence des images à celle des groupes. « Donner du sens » ou « faire sens » ? La violence qui captive. La violence qui sidère. Quelques réflexions sur la méthode de la recherche « Les 11-13 ans face aux images, les images et les liens » (1997-2000)."
Il me semblait que les rêves enchantés et les contes de fées étaient pour les enfants mais que nenni !
Ils reviennent en force mais pas comme on l'attendait.
En réalité, des personnages fictifs voire imaginaires sont nécessaires pour rêver mais dans le cas présent, il s'agit d'individu (s) peu scrupuleux, à tout le moins, qui profite de l'anonymat d'Internet pour polluer les débats voire les discussions virtuelles entre les internautes.
Twitter est une des plus belles victimes mais pas que celle-là.
Mais alors, cécoiuntroll ? traduction (c'est quoi un troll ?)
Car il y a un langage codé (assez primitif) mais codé malgré tout qui signifie quelque chose pour l'émetteur malveillant.
Généralement, on dit que l'on a affaire un "troll".
"Le terme troll désigne, dans le jargon de l'internet, un personnage malfaisant dont le but premier est de perturber le fonctionnement des forums de discussion en multipliant les messages sans intérêt (ou, plus subtilement, en provoquant leur multiplication). Les extraits ci-dessous proviennent pour la plupart de www.uzine.net/article1032.html.
Catégories de trolls
Troll débutant
Le troll débutant (appelé aussi troll qui s'ignore) est une manière de troller par ignorance de la nétiquette et du fonctionnement technique, sans véritable intention de nuire. Poster n'importe quoi n'importe où, par exemple : « Est-ce que vous avez le numéro de téléphone de Jacques Chirac ». On peut considérer comme un troll débutant toute personne qui répond au message d'un autre troll.
Troll bête
Persuadé d'avoir une opinion valable sur tout, d'être de bonne foi, et que sa diarrhée verbale intéresse quelqu'un d'autre que lui, le troll bête prend l'apparence d'un message véritable. Assez redoutable en ceci qu'il refusera la qualification de troll. Exemple : « Amha, bon j'y connais rien, et je ne sais pas de quoi vous parlez, d'ailleurs j'ai pas lu vos messages, c'était trop long ! :-))) mais il me semble que vous avez peut-être pas tout à fait tort ni raison ;o) ». Attention : le troll bête peut devenir méchant rapidement, puisqu'il est sûr de son bon droit. Comme le rappellent avec sagesse les vieilles légendes nordiques : « quand troll vexé, troll devenir encore plus chiant ».
Troll méchant
C'est le troll le plus connu, et pour lequel on trouve la littérature la plus abondante. Son but est, consciemment, de tuer les forums (déclencher des flame wars). Par amusement, parce que le sujet du forum lui déplaît, parce que les administrateurs du forum l'ont vexé, parce que dehors il pleut et qu'il s'emmerde au boulot. Ce qui, au final, nous donne le genre synthétique bien connu du « troll bête et méchant ». Il cumule tous les types détaillés plus haut. Un rapide profil psychologique de ce troll nous donne :
mauvaise foi à toute épreuve,
nullité conceptuelle,
auto dérision de façade,
tics de langage et smileys,
bassesse inimaginable.
On retrouvera là les marques permettant de diagnostiquer que le sujet est atteint de « fufisme », décrit ainsi dans le Lexique des termes employés sur Usenet : « Maladie contagieuse d'origine virale (HFV : Human Fufismae Virus) dont les syndromes sont : mauvaise foi, perfidie dans les attaques "ad hominem", torpillage des processus de création de groupes, ergotage sans fin pour savoir s'il faut un "s" à maths, si un vote BLANC compte pour 1/4 de OUI ou 2/3 de NON, etc. »
Caractéristiques et comportement à adopter
La règle traditionnelle pour lutter contre un troll méchant consiste à ignorer ses messages. « Do not feed the troll » (Littéralement : "Ne nourrissez pas le troll"). Dans son refus d'aborder le fond, de privilégier la forme et de débattre sans fin de la gestion des forums, le troll a une propension inimaginable à se placer dans l'affectif. Ses messages deviennent un jeu subtil de connivences, de divisions, de recherche d'alliés et d'ennemis. Il se croit ou se prétend copain avec Untel, alors que Machin est méchant et le persécute, et Bidule est maqué avec Truc, puis Trucmuche s'est engueulé avec ses Bisounours. En fin de compte, on obtient des messages très constructifs sur le thème : « Machin a raison parce qu'il est gentil, Truc a tort parce qu'il est méchant ».
Une fois parfaitement identifié, et ses thèmes de discussion épuisés, le dernier sujet du troll est de se prétendre victime d'atteintes inadmissibles à sa liberté d'expression. Sujet qui, lui-même, ne sera jamais abordé sur le fond, mais sur la forme, la gestion des forums par les méchants administrateurs qui ne l'aiment pas, le manque de politesse des intervenants.
[...] Il semble que, si l'on veut maintenir des forums ouverts (les messages sont publiés dès qu'ils sont envoyés), face à un troll, la seule technique est la guerre des tranchées : plusieurs administrateurs surveillent quasiment en permanence les forums pour bloquer aussi rapidement que possible les dérives trollesques.
Rien ne réjouit plus le troll que les contradictions entre administrateurs.
Ne jamais sembler donner raison au troll. Par exemple, proscrire tout message qui commence par « sur ce point tu as raison mais... » ; «la question est intéressante mais... ». Pour la bonne et simple raison que le troll ne suit jamais les règles de la discussion (définitions des termes, échanges d'arguments, réponses aux questions).
Messages trollesques
Basique : la bonne grosse provocation et l'insulte. L'idéal, pour encore plus d'efficacité, consiste à utiliser une image qui insulte un autre groupe humain.
[...] Le troll du Web [...] conserve cet usage immodéré du message hors thème.
Les réponses systématiques. Toute réponse creuse à un message creux permet d'entretenir la dynamique du groupe. De fait, on constate le plus souvent que les victimes d'un troll, en répondant à son message et en se lançant dans d'interminables débats oiseux, deviennent à leur tour des trolls.
Les messages trollesques refusent systématiquement d'aborder le fond et privilégient la forme des messages : «mais pourquoi tu me tutoies... », « moi je ne t'ai pas agressé alors pourquoi tu m'agresses » ; « t'as vu comment il m'a causé l'autre... tu trouves pas qu'il exagère ?» ; « purée, les fautes d'orthographe ! » ; « c'est nul de critiquer ton interlocuteur parce qu'il fait des fautes »...
Très faciles, les messages qui commentent la gestion du forum au lieu de l'objet de la discussion : « on peut pas corriger ses messages ? » ; « je crois qu'on m'a sucré mon message, mais il est revenu » ; « ah ah, je vois comment vous fonctionnez sur ce forum ! ».
Le troll ...
Le troll agit sur plusieurs sites, histoire de mieux agir !
Le troll veut toujours être modérateur
Le troll fait des fautes d'orthographe, de grammaire et de conjugaison
Le troll a toujours plusieurs comptes
Le troll casse toujours l'ambiance
Le troll agit souvent le soir
Le troll a souvent entre 8 et 11 ans
Le troll se fait toujours agresser par les autres membres
Le troll se plaint que le modérateur lui en veut
Le troll a des compétences dans tous les domaines
Le troll s'appelle aussi boulet
Le troll met toujours en fin de phrase : "pardon pour lé phote"
Le troll ne parle pas en SMS, non, il parle dans une langue plus primitive
Le troll se fait bannir tous les weekends
Le troll a un pseudo débile
Le troll insulte tout le monde
Le troll n'est pas drôle
Le troll est même chiant
Le troll est généralement fier de lui
Le troll est toujours un garçon
Le troll s'ennuie
Le troll n'écrit qu'en majuscules
Le troll lit les règles, si, mais ne les respecte pas
Le troll dit toujours que ça bug quand il n'y arrive pas
La presse récente relate des faits dramatiques et le PDG actuel de Twitter a fait son mea-culpa.
"Dick Costolo, à la tête du réseau social depuis octobre 2010, a diffusé un message interne en forme d'autocritique. Il estime que Twitter a jusqu'alors très mal géré le harcèlement en ligne.
Les «trolls», ces internautes sadiques et malveillants qui harcèlent leurs congénères, ont la belle vie sur Twitter. Dick Costolo, PDG de l'entreprise, le reconnaît lui-même en interne dans plusieurs messages dévoilés par le site spécialisé The Verge. «Nous sommes nuls pour gérer les abus et les trolls, et cela fait des années que c'est ainsi», a-t-il reconnu lundi sur les forums internes de la firme. «Ce n'est pas un secret et le reste du monde en parle tous les jours.»
Auprès de ses employés, le patron de Twitter a tenu à assumer l'entière responsabilité de ces échecs. Ses termes sont d'une franchise surprenante: «J'ai franchement honte quand je vois à quel point nous avons mal géré ce problème depuis que je suis PDG», a déclaré Dick Costolo a ses employés.
Ce mea culpa fait suite à une histoire particulièrement sordide dont a été victime Lindy West, auteure et critique féministe américaine très active sur les réseaux sociaux. Un «troll» a créé il y a deux ans un compte Twitter factice, prenant l'identité de son père alors récemment décédé, pour harceler la jeune femme. Alors qu'il est généralement recommandé de ne pas répondre aux «trolls», elle a décidé, dernièrement, de contacter cette personne afin d'échanger sur les raisons et les motivations de ces harceleurs. Elle a obtenu des excuses et l'a interviewé pour This American Life et The Guardian. Cette histoire a fait réagir un employé de Twitter, puis son PDG.
Des mesures insuffisantes
Aux manettes depuis octobre 2010, Dick Costolo s'est déjà attaqué au problème du harcèlement en ligne. En 2013, une journaliste anglaise a été la cible une campagne de harcèlement sexiste au seul motif qu'elle voulait que la romancière Jane Austen soit sur des billets de banque britanniques. Le réseau social avait alors annoncé un dispositif simplifié pour signaler les contenus abusifs. Mais cela est loin de suffire.
Le mouvement GamerGate a initié, depuis août 2014, une des campagnes de harcèlement sexiste les plus importantes du réseau social. Des messages haineux et menaçants dirigés à l'encontre de personnes critiquant le sexisme dans les jeux vidéos déferlent quotidiennement sur Twitter. À un tel point que certaines victimes ont créé une «milice» de défense contre le harcèlement en ligne.
En France, Bernard Cazeneuve veut aussi s'attaquer aux «trolls». Après les attentats du 7 et 9 janvier, le ministre de l'Intérieur s'est prononcé plusieurs fois sur la responsabilité des réseaux sociaux dans la propagation des discours haineux. À l'Assemblée nationale, il a dénoncé les «petites haines [qui] circulent et viennent ronger la République de l'intérieur, en opposant les Français les uns aux autres». Il doit se rendre aux États-Unis pour sensibiliser les grandes entreprises d'Internet à ce sujet."
Nous commémorons un triste anniversaire où l'une des caractéristiques de ce tragique événements fut le déni du bourreau et la croyance d'une vengeance pour la victime.
Sans considérer les choses psychanalytiquement, force est de constater que la négation du génocide par ces auteurs est presque pire que le désir de reprendre une dignité, fusse-t-elle avec des moyens équivalents à ceux de leurs bourreaux.
Nous avons l'exemple des escadrons de la mort après la WWII où les survivants (jeunes) juifs rescapés des lagers et autres camps d'exterminations, n'attendirent pas des procès qui finalement s'éternisèrent pour se faire justice.
Le problème central de cette opération "Nemesis" est donc de se faire justice alors même que l'Histoire s'est chargé de marquer de façon indélébiles les auteurs turques de ce génocide.
Pourquoi celui-ci ?
La création d'un nouvel état turque sur les cendres de l'empire Ottoman pour les parties prenantes de la république islamique de Mustapha Kemal et pour les autres l'anéantissement une bonne foi pour toute des religions concurrentes à l'Islam (Chrétiens, Assyriaque, Chaldéen et Araméen, pour ne parler que des principaux obstacles...).
Polémique ?
Peut-on oublier ces visages de vieillards, enfants et mère et ces hommes pour ne donner que la parole à l'un (les turques) et l'oubli (pour les autres c'est-à-dire les arméniens) ?
Peuple plus que millénaire, disposant dès le 5ème siècle d'un alphabet et d'une écriture, ayant choisi au 6ème siècle le christianisme comme religion officielle, les Arméniens subissent, comme la plupart des peuples d'Anatolie et du Caucase, invasions et occupations d'envahisseurs successifs, qui poussent des milliers d'entre eux à émigrer, d'abord vers la Crimée, la Pologne ou la Moldavie, puis vers Chypre, Rhodes, la Grèce, Smyrne, Constantinople et l'Egypte. De la Méditerranée, l'émigration gagne l'Italie, la France et les Pays-Bas.
Néanmoins, sur le plateau arménien comme en Cilicie, subissant les assauts des Seldjoukides, des Mongols, puis des Ottomans, les paysans et commerçants arméniens subsistent, dispersés sur le territoire de ce qui fut la grande Arménie. A partir du XVIe siècle, la plus grande partie de ce territoire tombe aux mains de l'Empire ottoman tandis que la Perse occupe l'Arménie orientale. La genèse du génocide arménien a pour cadre l'Empire ottoman et la tragédie se déroule dans un Etat en guerre.
A - La genèse du génocide arménien
Au cours du 16ème siècle, une partie importante de la population arménienne se trouve dans la zone de conflits turco-persane. A partir du 18ème siècle, les régions dans lesquelles les Arméniens vivent depuis longtemps en grand nombre confèrent à la frontière russo-turque une importance stratégique. La Russie a le plus grand intérêt à contrôler les détroits du Bosphore et des Dardanelles, pour fournir une issue à sa flotte dans les mers chaudes. Aussi pratique-t-elle à partir du 18ème siècle une politique de confrontation dans laquelle il utilise les minorités chrétiennes. L'Autriche souhaite à la fois maintenir l'ordre et son empire sur son territoire multinational et contenir l'expansion russe ; aussi les Balkans la préoccupent-ils au premier chef. La Grande-Bretagne, qui désire le statu quo, se défie de la Russie. Soucieuse de défendre la route des Indes, elle s'efforce d'établir de bonnes relations avec la Turquie. Au Moyen-Orient, la France représente depuis la fin des conquêtes napoléoniennes une puissance culturelle qui, en raison de ses liens historiques avec l'Empire ottoman, occupe une place particulière.
1) Le déclin de l'Empire ottoman et les massacres de 1895-1896
Dans l'Empire ottoman, dont les structures sont multi-ethniques et multi-religieuses, comme d'autres minorités chrétiennes, les Arméniens se voient octroyer un statut autorisant la liberté du culte et de la langue, mais sont frappés d'impôts spéciaux, d'interdiction de porter des armes et disposent de droits réduits devant la Justice. Dans les villes et villages reculés, les Arméniens vivent dans l'insécurité. Avec le déclin de l'Empire ottoman et la dégradation de son administration au long du XIXe siècle, les injustices, l'arbitraire et la violence se développent.
Devant la situation toujours plus précaire des minorités dans l'Empire, les Puissances européennes exigent des réformes. Les traités de San Stefano et de Berlin qui mettent fin à la guerre russo-turque de 1877-1878, contraignent l'Empire ottoman à introduire des réformes dans les "provinces habitées par les Arméniens" ce qui est perçu par la Sublime Porte comme une rupture du contrat liant la communauté arménienne au pouvoir ottoman.
Les minorités, y compris les musulmans non turcs, deviennent un enjeu d'autant plus important sur la scène internationale que leur situation aux marches de l'Empire peut être source d'irrédentisme. A ce contexte international s'ajoute l'émergence successive des nationalismes, celle des minorités précédant celui des Turcs.
Face à ces minorités, le pouvoir central est d'abord assez tolérant. Mais, à partir de 1876, le Sultan Abdul Hamid II, initialement présenté comme un libéral, se révèle encore plus despotique que ses prédécesseurs. Il refuse l'application des réformes dans les provinces arméniennes. Il tente de réduire la démographie arménienne par des massacres et d'aggraver la situation des paysans en armant les tribus Kurdes.
L'Arménien, comme les autres non musulmans, est considéré comme un citoyen de second ordre, sur qui pèsent des interdictions légales et des obligations fiscales découlant de sa condition d'infidèle. Le paysan arménien supporte l'essentiel de la pression fiscale. Arguant alors de révoltes de cultivateurs chrétiens contre des exactions administratives répétées dans le Sassoun, à Van et, dans les autres provinces orientales, afin de donner une leçon aux Arméniens, et pour tester la détermination des Puissances européennes, Abdulhamid II planifie et fait exécuter des massacres dans ces régions ainsi qu'à Constantinople.
Plus de 200.000 Arméniens sont tués (de 1894 à 1896) ; plus de 100.000 émigrés quittent leur pays sans compter la dizaine de milliers de femmes et d'enfants enlevés ou convertis de force. Pratiquement toutes les provinces où vivent des minorités arméniennes, sont touchées par ces massacres préfigurant les événements de 1915.
Le gouvernement ottoman exploite le début d'un mouvement révolutionnaire arménien pour accréditer la thèse d'une insurrection des Arméniens ottomans et de l'existence d'un mouvement insurrectionnel, alors que les réactions d'autodéfense, très limitées, des Arméniens démontrent le contraire. Les Puissances européennes se contentent de protester sans intervenir. En France, ces atrocités sont vivement et unanimement dénoncées à la Chambre des députés.
2) La révolution de 1908 et les massacres de Cilicie
En 1907 est créé à Salonique le comité "Union et Progrès", essentiellement soutenu par de jeunes officiers de l'école militaire qui assistent avec regret au déclin de l'Empire. Cette situation provoque en 1908 un soulèvement limité de l'armée. Pour éviter le pire, le Sultan rétablit la constitution semi-libérale de 1876. Les Jeunes Turcs font une entrée pacifique sur la scène politique. A cette époque les Arméniens et les dirigeants du comité "Union et Progrès" ont des intérêts politiques communs. En 1909, le Sultan Abdulhamid est destitué. Les débuts politiques des Jeunes Turcs désireux d'assurer la modernisation de l'Empire et d'éviter la poursuite de son morcellement, sont très agités : le 5 octobre 1908, l'Autriche-Hongrie annexe la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie proclame son indépendance complète, et le lendemain la Grèce annexe la Crète. En 1912, l'Italie s'empare de la Tripolitaine et du Dodécanèse.
Dans ce contexte, et après la perte en 1912-1913 de la quasi-totalité des territoires européens au terme des guerres balkaniques, les Jeunes Turcs abandonnent l'idée du maintien de l'Empire ottoman intégrant les minorités pour défendre un nationalisme turc et panturc fondé sur la "turquisation de l'Empire". Dès lors, la population arménienne, en tant que minorité transnationale sur la frontière turco-russe devient, par son désir de réformes, un groupe dangereux, plus avancé sur la voie de la modernisation que les Turcs.
Le nationalisme intransigeant et farouche des Jeunes Turcs se radicalise dès 1909, par les massacres de Cilicie, au cours desquels environ 30.000 Arméniens sont tués. A la veille de la Première Guerre mondiale, les principaux ministres du gouvernement jeunes-turcs sont membres du parti Union et Progrès, qui exerce une dictature sur tout le pays. Une structure para-militaire et policière est mise sur pied pour renforcer cette action en province. Cette structure jouera un rôle dans le génocide de 1915. Au nationalisme croissant de la minorité arménienne, répond la montée brutale du nationalisme turc.
B - Le génocide de 1915
1) L'enchaînement des faits
D'après M. Yves Ternon expert, entendu par le Rapporteur, en novembre 1914, l'Empire ottoman se range aux côtés de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie contre les Puissances de l'Entente. Les Arméniens ottomans et ceux du Caucase russe se trouvent dans deux camps opposés et sont incorporés de part et d'autre dans les armées ottomane et tsariste. A partir du 6 septembre 1914, les activités politiques des mouvements arméniens font l'objet d'un contrôle spécial et permanent en raison du nationalisme arménien.
L'armée ottomane entreprend, sous le commandement du ministre de la Guerre, idéologue du mouvement jeune-turc, Enver Pacha, une avancée vers le Caucase pendant l'hiver 1914-15. La IIIème armée ottomane est anéantie à Sarikamich. Des bruits sont propagés dans la population, imputant ce désastre aux Arméniens. Bien qu'infondés, ils sont suivis par des accusations de préparation de complots, portées sans motif réel contre leurs notables et responsables politiques. Le processus de massacres, de déportation et d'extermination d'un peuple se met en marche.
Le 25 février 1915, l'état-major général procède au désarmement de tous les soldats arméniens ; les commandants de corps d'armée et leurs représentants ont pour consigne de réprimer et de combattre par tous les moyens toute forme de rébellion.
Dans les provinces reculées de l'Empire, des événements sanglants se produisent. Fin février 1915 à Zeitoun, des incidents éclatent à la suite d'un viol imputé à des gendarmes turcs. Après l'arrestation des notables, les Arméniens de la ville et de ses environs sont déportés. Des incidents similaires se produisent dans la petite ville, presque entièrement peuplée d'Arméniens, de Deurt Yol, à Hadjin et surtout à Van, où des violences de l'armée ottomane entraînent une riposte violente et désespérée. Début avril, la population de Van se barricade dans son quartier, organise sa défense, et résiste pendant un mois. Il y a alors 40.000 Arméniens dans la ville. Le mouvement d'autodéfense de Van constituera, avec la présence de volontaires arméniens dans l'armée russe, l'argument essentiel des Turcs pour justifier l'élimination des Arméniens.
Les rafles de la nuit du samedi 24 au dimanche 25 avril 1915 constituent l'acte inaugural du génocide arménien. Cette vaste opération, montée par le préfet de police de Constantinople Bedri Bey, a pour objectif d'arrêter l'élite arménienne de la ville et commence au siège du journal Azatamart, dont les rédacteurs et journalistes sont appréhendés. Dans la nuit du 24 au 25 avril, les intellectuels, écrivains, poètes et journalistes, les médecins, les avocats, les savants et les prêtres les plus en vue de la capitale, sont emprisonnés tandis que l'on perquisitionne à leur domicile, ainsi que dans les écoles, les églises, et même au patriarcat, pour trouver un motif justifiant ces mesures. Les jours suivants, les arrestations se poursuivent, frappant environ 600 personnes.
Le 24 avril 1915, le Ministre de l'Intérieur Talaat Pacha déclare que l'ensemble de l'infrastructure sociale arménienne et les comités arméniens doivent être liquidés, les document saisis et les personnalités dirigeantes arrêtées et éventuellement traduites devant le tribunal militaire.
Les massacres de la population commencent après l'élimination des dirigeants susceptibles d'alerter l'opinion internationale. Le 24 mai 1915, une déclaration commune des gouvernements de l'Entente, alertés par l'ampleur des tueries, met en garde l'Empire ottoman, proclamant qu'ils tiendront personnellement responsables ceux qui auront ordonné ces "crimes contre l'humanité et la civilisation". C'est pourquoi la Sublime Porte légalise la déportation.
Une loi est édictée le 27 mai, postérieure aux premières violences contre les Arméniens ; elle porte sur "le déplacement des personnes suspectes" et dispose que "les commandements d'armée peuvent déplacer la population des villes et villages, qu'ils soupçonnent coupables de trahison et d'espionnage". La déportation reçoit un fondement légal : déjà entamée, elle commence à se dérouler selon un schéma établi.
Les soldats arméniens de l'armée ottomane, déjà désarmés depuis plusieurs mois et affectés par petites escouades à des travaux sur les routes, sont abattus par groupes séparés.
Les opérations à grande échelle touchent d'abord les provinces orientales d'Arménie historique, où vivent plus d'un million d'Arméniens. A partir d'août 1915, la déportation des Arméniens est étendue au reste de l'Empire à l'exception de Constantinople et de Smyrne.
Quels que soient les lieux, l'enchaînement des faits est semblable et la répartition géographique des convois est organisée méticuleusement.
Ce système de déportation est savamment orchestré par une organisation spéciale formée par le noyau dur du parti "Union et Progrès" qui, dans chaque province, envoie un secrétaire responsable pour superviser les administrations civiles et militaires comme le confirme en 1919 le procès de Constantinople.
Les notables et responsables politiques des bourgs et des villes sont arrêtés, accusés de participer à un vaste complot, sommés, souvent sous la torture, de livrer armes et déserteurs. Dans certaines régions, notamment à Mouch et dans sa plaine, la population est massacrée sur place. Les hommes et les adolescents sont pris, emmenés par petits groupes, et pour la plupart liquidés discrètement hors des villes. L'ordre de déportation affiché aux murs, ou annoncé par le crieur public, accorde quelques jours à ceux qui restent, femmes, vieillards, enfants, pour préparer leur départ. Avec quelques affaires ou quelques provisions, ils quittent leur ville en groupes séparés, escortés par des gendarmes.
Femmes, enfants, vieillards sont organisés en convois qui prennent la route de la déportation, à pied ou dans des wagons à bestiaux. En cours de route, les convois sont décimés par les pillards, les conditions extrêmement rudes du voyage et les exécutions sommaires. Les déserts de Mésopotamie et de Syrie sont le tombeau de ces colonies de déportés. Les récits et témoignages du calvaire de ces survivants, majoritairement des femmes et des enfants, sont particulièrement horribles. Par caravanes successives, provenant de différentes régions, ils sont en grande partie dirigés vers Alep, au nord de la Syrie et sont entassés à mesure dans des camps de fortune autour de la ville, sans secours. Ils meurent, par centaines, tous les jours. La déportation est en réalité une mise à mort. Une résistance héroïque à Van, dans le Djebel Moussa et à Ourfa montre que les Arméniens ont rapidement compris ce que signifie déportation.
2) La négation du génocide arménien
a) les arguments négationnistes
A l'été 1914, l'Empire ottoman n'a pas encore déterminé le choix de ses alliances. Ce n'est que le 31 octobre 1914 qu'il se rangera définitivement aux côtés de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie.
Dans les semaines précédentes, les Jeunes Turcs promettent une grande Arménie autonome aux dirigeants du Dachnak, principal parti nationaliste arménien de l'époque, s'ils sont disposés, en cas de guerre, à prendre le parti de l'Empire ottoman en tant que nation, à combattre dans l'Empire et à organiser la subversion au-delà des frontières. Les dirigeants du Dachnak refusent, optant pour la neutralité et se bornant à promettre que les Arméniens accompliront leur devoir de citoyen. Dès le début des hostilités, des groupes d'Arméniens ottomans se forment dans le territoire transcaucasien pour combattre l'armée ottomane. La Russie incite à la révolte et arme la population arménienne vivant en dehors de ses frontières.
Des rapports des gouverneurs de Sivas et Diarbékir font état de désertions, de la présence d'armes et de l'existence de projets subversifs. A Van et Zeitoun, la révolte a visiblement éclaté selon un plan concerté et grâce à l'aide de l'armée russe. Dès lors, le transfert de population est justifié, ainsi que les textes juridiques précités qui l'autorisent. Il est conforme aux usages que tout pays en guerre déporte les citoyens des pays ennemis qui se trouvent à l'intérieur de ses frontières et condamne ceux qui affaiblissent l'effort de guerre par des actes de haute trahison La légende du coup de poignard dans le dos est matérialisée en 1916 lors de la publication du Livre blanc révélant l'action des comités révolutionnaires arméniens. A la fin de 1917 alors que le front caucasien est tenu par des troupes et des partisans arméniens, des villages turcs sont détruits par les Arméniens.
Malgré les procès de Constantinople reconnaissant la responsabilité du Comité Union et Progrès et de l'Organisation Spéciale qu'il a mise sur pied dans la conception et l'exécution du crime, Mustapha Kemal obtient l'amnistie au traité de Lausanne du 24 juillet 1923. Les procès de Constantinople sont alors annulés et les condamnés réhabilités. "La responsabilité de toutes les calamités auxquelles l'élément arménien fut exposé dans l'Empire ottoman retombe sur ses propres agissements, le gouvernement et le peuple turc n'ayant fait que recourir dans tous les cas et sans exception à des mesures de répression ou de représailles..." déclare Ismet Inönü à Lausanne lors de la négociation du Traité.
Dans son histoire de la révolution turque, Hikmet Bayur explique que la déportation a été ordonnée pour écraser la révolte. Au cours du transport, "les massacres perpétrés par les Kurdes et les gendarmes auxiliaires, les maladies contagieuses, la famine et la fatigue ont entraîné la perte de 500.000 personnes". Il n'y a pas eu d'intention criminelle de la part du Comité Union et Progrès, et donc pas eu de génocide : tel est, pour la Turquie, le fondement du refus de reconnaître le génocide.
b) Les preuves du génocide
Face à la négation de l'existence du génocide, les historiens notamment M. Yves Ternon auditionné par votre Rapporteur, démontrent, preuves à l'appui, que la loi du 27 mai 1915 autorisant les déportations d'Arméniens avait permis de tuer en masse et de manière préméditée et intentionnelle. En effet, les ordres de mise à mort ont été donnés dans le secret, la déportation servant de couverture légale.
Les historiens utilisent les témoignages concordants des rescapés ou les récits des témoins oculaires étrangers, correspondants de guerre, diplomates, membres de missions, etc... Le caractère systématique, dans toutes les régions de Turquie, des tueries, des conversions forcées, de la mise à mort des déportés par épuisement et dans des conditions inhumaines, est établi grâce aux archives de nombreux pays alliés de l'Empire ottoman, ennemis ou neutres. Ces témoignages montrent que la déportation, vues les conditions de son déroulement et le traitement infligé aux déportés, faisait partie d'un processus de destruction systématique organisé et prémédité.
En janvier 1919, dans une lettre ouverte adressée au Président Wilson, Armin Wegner, officier de la Croix rouge allemande, cité par Gérard Chaliand et Yves Ternon, raconte : "Les bourreaux, après les avoir privées de responsables et de porte-paroles, chassaient des villes les populations, à toute heure du jour et de la nuit. Des groupes qui, au départ de leur terre natale, en Haute-Arménie, comprenaient des milliers de personnes, n'en dénombraient à leur arrivée aux environs d'Alep que quelques centaines, mais les champs étaient jonchés de cadavres. Les déportés furent ainsi poussés sur les routes jusqu'à ce que des milliers soient réduits à des centaines et des centaines à une petite troupe, et que cette petite troupe, on la chasse encore jusqu'à ce qu'elle n'existe plus. Et alors, le bout du voyage est atteint".
Le choix de la destination finale de la déportation, le désert, Deir ez Zor, en Syrie, constitue aussi une preuve de la volonté de faire disparaître les déportés qui, arrivés jusqu'à cette région aride et désolée, sans abri ni nourriture, n'étaient pas destinés à survivre.
Plusieurs ouvrages, parus peu après le génocide, étayent la thèse arménienne. Le rapport secret sur les massacres d'Arménie, de 1916, comme le recueil d'actes diplomatiques intitulé "l'Allemagne-l'Arménie en 1914-1918", de 1919 publiés par le Pasteur allemand Johannes Lepsius, contiennent des témoignages accablants émanant des diplomates allemands en place à Adana, Alep ou Erzeroum.
A la même période, le diplomate anglais James Bryce présente à son Secrétaire d'Etat le "Livre bleu", recueil de 150 documents provenant de témoins neutres, autochtones ou allemands, comme Martin Niepage, professeur à Alep, qui avait complété son rapport par des photographies de monceaux de cadavres au milieu desquels se traînaient des enfants encore en vie. La préface de cet important recueil est l'oeuvre d'un historien, Arnold Toynbee, qui fit lui-même des études sur ces événements.
Le rapport du Consul américain à Kharpout, Leslie Davis, publié sous le titre "La province-abattoir" décrit la déportation dans une lettre du 30 juin 1915 : "Elle signifie une mort progressive et peut-être plus horrible pour presque tous. Je ne crois pas qu'il puisse en survivre un sur cent, peut-être même pas un sur mille" ; le 11 juillet il précise : "On les a simplement arrêtés et tués dans le cadre d'un plan général d'extermination de la race arménienne".
Outre ces ouvrages, les documents consulaires rédigés à l'époque par des diplomates en poste dans diverses provinces de l'Empire et sans moyen de communiquer entre eux sont accablants. Sans concertation, ils constatent dès les premiers mois que la déportation n'est pas justifiée par des considérations militaires et qu'elle n'est que le prétexte d'une mise à mort.
Dans les lettres envoyées à son Chancelier, l'Ambassadeur allemand Hans Von Wangenheim, pourtant favorable aux jeunes-turcs reconnaît, dès le 1er juin 1915 : "Il est évident que la déportation des Arméniens n'est pas motivée par les seules considérations militaires". Le 7 juillet, il précise "la manière dont s'effectue la déportation montre que le gouvernement poursuit réellement le but d'exterminer la race arménienne dans l'Empire ottoman".
Le Consul allemand Walter Rössler d'Alep écrit, le 12 juin : ".. Le gouvernement dépasse de loin les limites de mesures préventives nécessaires... (en Cilicie) il a détruit une importante partie de la population au lieu de s'en tenir aux mesures préventives".
Les constatations des diplomates autrichiens corroborent en tous points celles de leurs collègues allemands pourtant, comme eux, alliés de l'Empire ottoman. Ainsi l'ambassadeur Johann Von Pallavicini, le 1er juillet 1915, explique que " ..la manière dont les Arméniens sont déportés dans un but supposé de réinstallation équivaut à un verdict de mort pour les gens affectés par cette mesure".
Neutres, les diplomates américains relatent les mêmes faits. L'Ambassadeur Henry Morgenthau, le 10 juillet 1915, écrit "...Il semble qu'il existe un plan systématique destiné à écraser la race arménienne" Dans ses mémoires, il évoque ses efforts désespérés pour arrêter le processus. Il rapporte des conversations qu'il eut avec Talaat Pacha : "Nous ne voulons plus voir d'Arméniens en Anatolie ; ils peuvent vivre dans le désert, mais nulle part ailleurs", affirmait ce dernier.
Par ailleurs, les actes de la Cour militaire ottomane qui, en 1919, a condamné les principaux responsables des massacres, les témoignages de dignitaires et de militaires de haut rang qu'elle a recueillis et les sentences prononcées attestent la réalité du crime et l'existence d'une organisation spéciale chargée de l'exécuter (voir infra page 22).
3) Le bilan du génocide
Lorsque l'année 1916 s'achève, le génocide des Arméniens de l'Empire ottoman est pratiquement consommé. Le bilan des victimes ne peut qu'être approximatif, d'autant qu'il n'existe ni registre d'état civil, ni registre des déportés et que l'évaluation du nombre d'Arméniens vivant dans l'Empire ottoman avant le génocide diffère selon les sources. D'après l'ouvrage "Les Arméniens, Histoire d'un génocide" publié par M. Yves Ternon "le recensement officiel ottoman en 1914 dénombre 1.295.000 Arméniens. Les statistiques du patriarcat en affichent 2.000.000 à la même époque. Le total des morts oscille entre 1.500.000 selon les publications arméniennes et 800.000, chiffre reconnu en 1919 par le Ministre de l'Intérieur turc et accepté par Mustapha Kemal. Entre ces deux groupes de chiffre le rapport des morts reste à peu près le même : deux tiers. C'est ce rapport qu'adopte en 1916 Arnold Toynbee dont l'estimation demeure la plus vraisemblable. Sur 1.800.000 Arméniens vivant dans l'Empire, 600.000 sont assassinés sur place, 600.000 au cours de leur déportation soit 1.200.000 morts, 200.000 se réfugient dans le Caucase, 100.000 sont victimes d'enlèvements, 150.000 survivent dans des camps à la déportation et 150.000 échappent à la déportation.
Ces données et notamment le rapport deux tiers de victimes un tiers de survivants ont été confirmées par M. Yves Ternon lors de son audition. C'est aussi cette évaluation qui a paru la plus vraisemblable à M. Ara Krikorian, Président du Comité de Défense de la Cause Arménienne (CDCA), également entendu par votre Rapporteur. Celui-ci a d'ailleurs fait état d'estimations, jugées par lui "assez fantaisistes", d'historiens turcs qui oscillent entre 300.000 et 600.000 victimes.
Pour Gérard Chaliand et Jean-Pierre Rageau dans leur "Atlas des diasporas" le génocide arménien a provoqué entre 40 et 50 % de victimes selon des sources contradictoires ce qui porte le nombre des morts entre 600.000 selon l'historien américain Justin Mc Carthy proche des thèses turques et 1.100.000 selon le Pasteur Allemand Johannes Lepsius favorable aux Arméniens. Varoujan Attarian dans son ouvrage "le génocide des Arméniens devant l'ONU" considère que plus de la moitié des Arméniens de l'empire a péri.
Quel que soit le bilan, le génocide de 1915 fait disparaître les Arméniens des provinces orientales d'Asie mineure de l'Empire ottoman.
Au lendemain du Traité de Lausanne en 1923 entre la Turquie kemaliste et les vainqueurs de la Première Guerre mondiale, il ne reste plus que quelques dizaines de milliers d'Arméniens en Turquie pour l'essentiel à Istanbul.
En outre, alors que les Jeunes Turcs ont disparu de la scène politique en octobre 1918, un ensemble de lois qui parachèvent le génocide, s'efforcent d'effacer la présence arménienne.
La loi du 20 avril 1922 prévoit la confiscation en Cilicie de tous les biens appartenant aux personnes qui avaient quitté la région ; celle du 25 avril 1923 étend la confiscation à tous les Arméniens, quels que soient les motifs ou la date de leur départ du pays. L'article 2 de la loi de septembre 1923 interdit le retour des Arméniens en Cilicie et dans les provinces de l'Est . La loi du 23 mai 1927 déchoit de la nationalité turque ceux qui n'ont pas pris part à la guerre d'indépendance ou sont restés à l'étranger.
II - LA LENTE RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN PAR LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Inventé par le professeur américain d'origine polonaise Raphael Lemkin en 1943 le concept de génocide11) étend à des groupes entiers d'humains l'homicide d'un individu isolé. Aussi ancien que l'humanité, ce crime n'a été défini qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, postérieurement au génocide des Arméniens et des Juifs, mais en référence à ce dernier. Il définit une catégorie criminelle cernée juridiquement et concerne la mise en exécution d'un programme d'extermination d'un groupe humain par un Etat souverain.
1) La notion juridique avant 1945 : la reconnaissance du crime contre l'humanité
Avant 1945, la qualification pénale de génocide n'existe pas, ce qui a accru sans doute les difficultés de reconnaissance du génocide arménien.
Néanmoins les Conventions de la Haye du 29 juillet 1899 et surtout du 18 octobre 1907 qui ont pour objet de définir et de régler les usages de la guerre contiennent des dispositions sur le droit des gens applicable en temps de guerre et définissent le crime de guerre.
On trouve dans le préambule de la Convention de La Haye de 1907 la phrase suivante - clause Martens, trop vague pour constituer un socle juridique : "En attendant qu'un code plus complet des lois de la guerre puisse être édicté, les Hautes Parties contractantes jugent opportun de constater que, dans les cas non compris par les dispositions réglementaires adoptées par elles, les populations et les belligérants restent sous la sauvegarde et sous l'empire du droit des gens, tels qu'ils résultent des usages établis entre nations civilisées, des lois de l'humanité et des exigences de la conscience publique."
Au 19ème siècle, les Puissances interviennent à plusieurs reprises lorsque certains Etats traitent leurs nationaux de façon inhumaine. La dérogation au droit des Etats d'agir en toute indépendance est inspirée par des raisons humanitaires. En 1827, la France, la Grande-Bretagne et la Russie aident la Grèce lors de la guerre d'indépendance grecque. Avec l'accord des Puissances européennes, une expédition militaire française est organisée en 1860 au Liban où des Chrétiens sont massacrés. En 1877, la Russie agit de même en Bulgarie. S'agissant des Arméniens, les Puissances réagissent de nouveau en 1895, 1896, 1902 et 1903, ainsi qu'en 1909 et en 1912 après la prise du pouvoir par les Jeunes Turcs et invoquent des raisons humanitaires en faveur de la population arménienne. En 1878, par le Traité de San Stefano, la Sublime Porte s'engage d'ailleurs à réaliser les améliorations et les réformes qu'exigent les besoins locaux des provinces habitées par les Arméniens, et à garantir leur sécurité contre les Circassiens et les Kurdes. Signé la même année, le Traité de Berlin maintient ces dispositions et confère un droit de contrôle aux Puissances occidentales. L'accord russo-turc du 8 février 1914 contient un plan de réformes plus vaste encore visant à assurer la paix dans l'Arménie turque, sous contrôle d'inspecteurs nommés par les Puissances.
La France, la Grande-Bretagne, la Russie se sont fondées dans leur déclaration du 24 mai 1915 sur les premiers massacres d'Arménie, les dénonçant déjà comme "crimes contre l'humanité et la civilisation" dont seraient tenus pour responsables "les membres du Gouvernement ottoman qui se trouveraient impliqués dans de pareils massacres".
Le Traité de Sèvres du 10 août 1920 signé par toutes les parties intéressées, y compris l'Arménie dont il reconnaît l'indépendance, octroie des droits étendus aux minorités et prévoit des sanctions à l'encontre des responsables des massacres perpétrés en territoire ottoman dans ses frontières d'avant la guerre. Ce traité n'est pas ratifié par l'Empire ottoman.
L'Empire ottoman lui-même punit ces crimes. En 1919 se tient à Constantinople le procès des unionistes qui condamne à mort par contumace sur le principal chef d'accusation du massacre des Arméniens, Talaat, Enver Djemal, Nazim et à quinze ans d'emprisonnement trois autres ministres également en fuite. D'autres procès de secrétaires responsables, de ministres ou d'exécutants sont tenus en 1919 et 1920. Des condamnations à mort sont prononcées.
Les principales charges retenues contre les accusés sont le complot, la préméditation, la responsabilité personnelle dans les meurtres. Le procureur général établit que la déportation fut le "prétexte des massacres" ce qui déjoue les arguments que la défense avancera plus tard : la nécessité de punir des rebelles.
2) La définition du génocide dans les textes internationaux
L'article 6 c) de la Charte du Tribunal militaire international dite Statut de Nuremberg, annexé à l'Accord de Londres du 8 août 1945, énumère les crimes contre l'humanité sans utiliser le terme de génocide : "l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux". La qualification de ces crimes marque un progrès dans le droit pénal international.
La notion de génocide est employée pour la première fois le 18 octobre 1945 dans un document de portée internationale, l'acte d'accusation contre les grands criminels de guerre allemands traduits devant le tribunal de Nuremberg. Il stipule que les inculpés "... se livrèrent au génocide délibéré et systématique, c'est-à-dire à l'extermination de groupes raciaux et nationaux parmi la population civile de certains territoires occupés, afin de détruire des races ou classes déterminées de populations, et de groupes nationaux, raciaux ou religieux...".
Le terme est ensuite juridiquement défini par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 et ratifiée par la Turquie le 31 juillet 1951.
Selon cette Convention, le génocide est un acte "commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux". Enumérés par l'article 2, ces actes peuvent être les suivants : "meurtre de membres du groupe, atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe, soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe". La Convention précise aussi qu'il est indifférent que ces actes soient commis en temps de paix ou en temps de guerre. Elle oblige l'Etat sur le territoire duquel le génocide a été commis, à punir ses auteurs, "gouvernants, fonctionnaires ou particuliers" et l'Etat responsable, à réparer les préjudices qui en résultent.
Les actes constitutifs du génocide aboutissent toujours à l'anéantissement physique et biologique du groupe, ce qui constitue d'ailleurs l'essence de ce crime, quels que soient les moyens mis en oeuvre pour atteindre ce but. Visant non seulement à punir mais aussi à prévenir, l'article 3 déclare criminels aussi bien le génocide proprement dit que l'entente en vue de commettre le génocide, l'incitation directe et publique, la tentative pour le mettre en oeuvre et la complicité dans sa réalisation.
L'importance de ces incriminations et la volonté affichée de la communauté internationale de réprimer les crimes contre l'humanité et le génocide aboutissent à l'adoption par les Nations Unies, le 26 novembre 1968, de la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Cette Convention étend à tous les crimes de guerre et crimes contre l'humanité l'imprescriptibilité appliquée par l'acte d'accusation du Tribunal militaire de Nuremberg aux criminels de guerre nazis. Entrée en vigueur le 11 novembre 1970, elle renforce le caractère spécifique de ces crimes. Elle ouvre des perspectives plus larges pour la reconnaissance internationale du génocide arménien.
3) La définition juridique du génocide en droit positif français
La loi française distingue quatre infractions : le génocide, les crimes contre l'humanité innommés, les crimes de guerre aggravés, l'entente en vue de commettre l'un de ces crimes.
Le génocide (art. 211-1 du Code pénal) est caractérisé par l'accomplissement d'un ou plusieurs actes que le texte énumère : atteinte volontaire à la vie, atteinte grave à l'intégrité physique ou psychique, soumission à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe, mesures visant à entraver les naissances, transfert forcé d'enfants. Cette énumération est reprise de celle figurant à l'article 2 de la Convention de 1948.
Une seconde caractéristique propre au génocide réside dans les objectifs du plan concerté que de tels actes exécutent. Ce plan doit tendre à la destruction totale ou partielle d'un groupe humain. Il ne s'agit donc pas d'un plan de persécutions, mais d'un plan d'extermination dirigé contre les membres du groupe.
La nature du groupe-victime constitue une troisième caractéristique de l'incrimination. Il peut s'agir d'un groupe "national, ethnique, racial ou religieux" ou d'un groupe "déterminé à partir de tout autre critère arbitraire". L'article 211-1 du Code pénal français adopte donc une formulation plus large que celle retenue par l'article 2 de la Convention de 1948 et ne se contente pas d'énumérer limitativement les groupes susceptibles d'être victimes d'un génocide.
Le législateur français a eu pour souci de définir le génocide sur la base de données objectives et d'écarter toute référence à l'idéologie ayant inspiré ses auteurs. L'exigence d'un plan concerté d'extermination établit le caractère prémédité du crime.
Comme en droit international, et conformément au statut précité du Tribunal militaire international de Nuremberg, réaffirmé par la Convention des Nations Unies sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, en droit français, les crimes contre l'humanité et les génocides sont imprescriptibles. La loi du 26 décembre 1964 et l'article 213-5 du Code pénal le prévoient expressément.
A la lumière de ces textes, l'existence du génocide arménien est difficilement contestable. C'est pourquoi, malgré les pressions de la Turquie, plusieurs instances internationales et quelques Etats ont qualifié de génocide les événements de 1915.
B - La reconnaissance du génocide arménien par la communauté internationale et les Etats
A la fin de la Seconde Guerre mondiale les Arméniens à travers le monde multiplient les actions pour obtenir la reconnaissance internationale de la tragédie qui les a frappés. Ils entreprennent des démarches auprès de l'ONU, des Etats-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne et de l'URSS.
La diaspora arménienne prend conscience des perspectives ouvertes par les procès de Nuremberg et surtout par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Ces nouvelles bases juridiques offrent aux Arméniens des possibilités de reconnaissance du génocide dont ils ont été victimes. Au regard de ces normes internationales entrant dans la législation interne de nombreux Etats, l'extermination des Arméniens de l'Empire ottoman est un génocide, au sens du concept introduit par Raphael Lemkin, repris par le Tribunal de Nuremberg et des critères énumérés par l'ONU.
Dès lors, les Arméniens vont se mobiliser pour obtenir cette reconnaissance essentielle au respect de la mémoire de leurs martyrs par les instances internationales et les Etats
Le Comité de Défense de la Cause arménienne, créé en 1965 (CDCA) lance une campagne de sensibilisation et, à partir des années 1970, suit régulièrement la question de la reconnaissance du génocide arménien. Le CDCA est implanté dans plusieurs pays dont la France. Son Président, M. Ara Krikorian, entendu par votre Rapporteur, a décrit son action contre le négationnisme.
1) La reconnaissance du génocide arménien par les instances internationales et le Tribunal permanent des peuples.
Cette reconnaissance est intervenue une première fois, le 16 avril 1984, par le Tribunal permanent des peuples, puis par la Sous-Commission des droits de l'Homme de l'ONU le 29 août 1985, par le Parlement européen le 18 juin 1987 et par une déclaration écrite de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe le 24 avril 1998.
a) la reconnaissance devant le Tribunal permanent des peuples en avril 1984
Le Tribunal permanent des peuples, qui fait suite au Tribunal Bertrand Russell, a reconnu le génocide des Arméniens. Après une analyse historique précise et documentée menée par M. Yves Ternon, qui retrace les circonstances de cette tragédie, le Tribunal constate que
"... L'extermination des populations arméniennes par la déportation et par le massacre constitue un crime imprescriptible de génocide au sens de la Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide ; en tant qu'elle condamne ce crime, cette Convention est déclaratoire de droit en ce qu'elle constate des règles déjà en vigueur à l'époque des faits incriminés" ;
" le gouvernement des Jeunes Turcs est coupable de ce génocide, en ce qui concerne les faits perpétrés de 1915 à 1917" ;
" Le génocide arménien est aussi un "crime international" dont l'Etat turc doit assumer la responsabilité, sans pouvoir prétexter, pour s'y soustraire, d'une discontinuité dans l'existence de cet Etat".
b) la reconnaissance devant l'ONU
La procédure de reconnaissance du génocide arménien donna lieu à une bataille qui dura près de vingt années, dans un contexte de guerre froide, la Turquie, membre influent de l'Alliance Atlantique, disposant d'atouts considérables pour s'opposer à cette procédure.
En 1967, la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et pour la protection des minorités qui dépend de la Commission des droits de l'Homme, elle-même rattachée au Conseil économique et social de l'ONU, décide d'inclure à son futur programme la question du génocide arménien, en demandant la nomination d'un rapporteur spécial pour entreprendre l'étude. Lors de sa 24ème session en 1971, elle nomme un délégué rwandais, M. Nicodème Ruhaskyankiko comme rapporteur spécial. En 1973, il présente un rapport intermédiaire qui indique dans son paragraphe 30, après une série de rappels historiques, que la déportation des Arméniens de l'Empire ottoman était un crime "que l'on pouvait considérer comme le premier génocide du XXème siècle". Le représentant turc exige la suppression du paragraphe, mais son opposition n'est pas retenue.
En 1974 la Turquie obtient satisfaction ; la procédure s'enlise et, lors de la présentation du rapport final en 1978, la référence au cas des Arméniens a disparu. La plupart des membres de la Sous-Commission dont le représentant français le déplorent.
On invoque alors le risque de rouvrir de vieilles blessures, d'attiser les haines, l'impossibilité d'avoir une vue complète des événements historiques et le fait que l'on risque de compromettre l'unité de la communauté internationale. Ce rapport n'a finalement pas été achevé.
Le dossier est réouvert, et un nouveau rapporteur spécial, le britannique M. Benjamin Whitaker, est nommé. Il remet son rapport final en 1985 ; celui-ci est adopté en dépit de fortes pressions turques, le 29 août 1985. Le représentant français s'est prononcé pour son adoption.
Son paragraphe 24 reconnaît, parmi d'autres génocides celui des Arméniens, et débute comme suit. "Arnold Toynbee a déclaré qu'en matière de génocide, le XXème siècle se distinguait "par le fait que ce crime est commis de sang-froid sur un ordre donné délibérément par les détenteurs d'un pouvoir politique despotique, et que ses auteurs emploient toutes les ressources de la technologie et de l'organisation actuelles pour exécuter complètement et systématiquement leurs plans meurtriers". L'aberration nazie n'est malheureusement pas le seul cas de génocide au XXème siècle. On peut rappeler aussi le massacre des Hereros en 1904 par les Allemands, le massacres des Arméniens par les Ottomans, en 1914-1916, le pogrom ukrainien de 1919 contre les Juifs, le massacre des Hutus par les Tutsis au Burundi en 1965 et en 1972, le massacre au Paraguay des Indiens Aché avant 1974, le massacre auquel les Khmers rouges se sont livrés au Kampuchea entre 1975 et 1978, et actuellement le massacre des Baha'is par les Iraniens".
c) la reconnaissance devant le Parlement européen
Une initiative est lancée en 1983 au sein du Parlement européen en vue d'une résolution "pour une solution politique de la question arménienne" ; repris en 1984, le projet de résolution présenté par le groupe socialiste (notamment par M. Saby) aboutit à la nomination d'un rapporteur, M. Vandemeulebroucke. A la suite de différentes péripéties, la Commission politique présente le rapport accompagné d'un projet de résolution devant le Parlement européen. Réuni le 18 juin 1987, celui-ci adopte la résolution avec plusieurs amendements qui n'en modifient pas la substance.
Ainsi, il déclare être d'avis "que les événements tragiques qui se sont déroulés en 1915-1917 contre les Arméniens établis sur le territoire de l'Empire ottoman constituent un génocide au sens de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 9 décembre 1948".
Cette résolution, qui comporte aussi un appel ferme adressé à la Turquie pour la reconnaissance de ce génocide, entraîne dans ce pays colère et indignation. Elle y est perçue comme un refus de sa demande d'adhésion à la Communauté européenne. Les réactions très vives de la Turquie vont de l'annulation de certains contrats avec la France jusqu'à la menace de retrait de l'OTAN.
d) la reconnaissance devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
Très récemment, le 24 avril 1998, par une déclaration écrite engageant 51 signataires, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe reconnaissait que
"le 24 avril 1915 a marqué le début de l'exécution du plan visant à l'extermination des Arméniens vivant dans l'Empire ottoman..."
Parmi les signataires, outre six parlementaires français, on compte des Autrichiens, des Belges, des Britanniques, des Chypriotes, des Danois, des Grecs, des Italiens, des Lituaniens, des Néerlandais, des Norvégiens, des Portugais, des Russes, des Suisses, des Tchèques et des Ukrainiens.
2) La reconnaissance du génocide arménien par les Etats (Gouvernement ou Parlement).
a) L'état de la reconnaissance du génocide arménien dans le monde
La reconnaissance du génocide arménien par les Parlements nationaux progresse lentement, notamment dans les pays où la communauté arménienne est importante. Elle est moins fréquente de la part des Gouvernements qui utilisent ce terme à l'occasion de crise bilatérale avec la Turquie.
En Amérique Latine, deux pays ont une approche favorable : l'Uruguay et l'Argentine. L'Uruguay prend clairement position en 1965, par un acte déclarant le 24 avril "Jour de commémoration des martyrs arméniens (...) tués en 1915".(loi votée le 20 avril 1965 par les Chambres Réunies). Cette position est confirmée par le Président de la République Luis Alberto Lacalle le 24 avril 1990 et à divers reprises par le Parlement. De même, en Argentine, des déclarations sont faites en faveur de la reconnaissance du génocide Arménien à la Chambre des députés le 17 avril 1985 et au Sénat le 19 juin 1985.
En Amérique du Nord, cette question suscite d'âpres discussions aux Etats-Unis et au Canada ; des Parlements se sont prononcés en faveur de la reconnaissance.
Aux Etats-Unis, la reconnaissance du génocide fait l'objet de débats récurrents depuis un projet de résolution déposé par le Sénateur Robert Dole, déclarant le 24 avril 1990 jour du souvenir du 75e anniversaire du génocide de 1915. Soutenu par la communauté arménienne unanime, ce projet donne lieu à une intense campagne contre son adoption. A la suite d'un débat fleuve au Sénat, le projet de résolution est écarté par un vote acquis de justesse.
Régulièrement, les candidats à la Présidence des Etats-Unis promettent de reconnaître le génocide, mais une fois élus, les hôtes successifs de la Maison Blanche évitent l'emploi du mot "génocide" et utilisent des périphrases. Ainsi, avec le temps, ce concept devient un enjeu par lui-même, l'administration américaine cherchant à éviter son utilisation.
Par ailleurs, plusieurs Etats ont reconnu le génocide arménien comme tel (Etat de Californie, du Delaware, du Massachussets, de New York, etc...).
Au Canada, la reconnaissance du génocide arménien est le fait du Parlement de l'Ontario (Résolution du 23 mars 1980) et de l'Assemblée nationale du Québec (résolution du 10 avril 1980 et motions du 21 avril 1983 et du 25 avril 1995).
Le 29 avril 1998, le Parlement de Nouvelle Galles du Sud, en Australie décide de commémorer le génocide arménien.
Au Proche Orient, la plupart des Etats sont hostiles à la reconnaissance du génocide arménien ; leurs attitudes lors des débats au sein de la Sous-Commission des droits de l'Homme des Nations-Unies le prouvent.
Deux Etats ont cependant une approche différente : Israël et le Liban. En effet, M. Yossi Beilin a reconnu le génocide arménien le 24 avril 1994 alors qu'il était vice-ministre des affaires étrangères. Le Parlement libanais a, quant à lui, adopté une résolution le 3 avril 1994.
Dans les pays d'Europe centrale et orientale, la reconnaissance du génocide progresse. La Douma de la Fédération de Russie a adopté le 14 avril 1995 une résolution reconnaissant le génocide. L'Assemblée interparlementaire de la CEI a pris une position semblable le 21 avril 1995. Le Parlement bulgare a agi de même le 20 avril 1995.
Parmi les membres de l'Union Européenne, deux Parlements ont reconnu le génocide arménien. Le 25 avril 1996, le Parlement grec reconnaît explicitement le génocide. Le 22 mars 1998 le Sénat belge adopte une position identique. La genèse de cette résolution émane paradoxalement de la réflexion menée par la Commission d'enquête nationale sur le génocide commis en 1994 au Rwanda.
Par ailleurs, Chypre a effectué la même démarche dès 1965 au niveau gouvernemental et en 1982 au niveau parlementaire.
b) Les positions actuelles de l'Arménie et de la Turquie
Le 21 avril 1995, Levon Ter Petrossian, Président de la République d'Arménie, fait une déclaration solennelle sur le génocide arménien mais ne formule aucune demande explicite de reconnaissance par la communauté internationale. Il a été contraint de démissionner le 3 février 1998 par le refus d'une large partie de la classe politique arménienne de suivre sa ligne de compromis dans l'affaire du Karabagh.
Le 30 mars dernier, son ex-Premier Ministre, M. Robert Kotcharian a été élu Président de la République sur la base d'un programme plus intransigeant en politique étrangère. Le 24 avril 1998, celui-ci demande la reconnaissance internationale du génocide arménien de 1915 estimant qu'il "n'est pas la tragédie du seul peuple arménien" mais celle "de l'humanité toute entière et qu'il est un lourd fardeau pour le peuple arménien en premier lieu parce qu'il est resté impuni, mais pire encore parce qu'il n'a pas reçu la condamnation qu'il mérite".
En Turquie, la négation de l'existence du génocide arménien constitue une vision inattaquable de l'histoire, la position officielle de tous les gouvernements turcs successifs et de l'ensemble de la classe politique. La Turquie actuelle établit une distinction claire entre les massacres qui ont affecté la population arménienne -qu'elle reconnaît- et la qualification de génocide. Elle n'accepte qu'une définition juridique étroite de ce concept qui suppose selon elle, une volonté délibérée d'un Etat de détruire une population pour des raisons ethniques ou religieuses.
Au delà du débat sur les chiffres, la réalité des massacres de populations arméniennes n'est pas niée (300.000 à 500.000 morts), mais la Turquie actuelle considère qu'il n'existe aucune preuve du caractère organisé ou commandité par l'Etat central des massacres. Ceux-ci sont imputés à la désorganisation générale, au contexte local et à l'exacerbation des passions entre les populations civiles arméniennes et turques.
Selon elle, la dénomination génocide est d'autant moins crédible qu'elle est la négation des valeurs d'un Empire où ont cohabité jusqu'au XIXème siècle, sans heurts majeurs, peuples et religions divers.
Pourtant, quelques intellectuels turcs s'efforcent de briser ce tabou qui, selon eux, bloque la société, altère son identité nationale et entrave l'évolution démocratique de ce pays. Leur combat est périlleux : l'éditrice turque d'un livre sur le génocide arménien a été condamnée à deux ans et demi de prison.
c) La reconnaissance du génocide arménien en France
En 1981, candidat à la Présidence de la République, François Mitterrand promet d'agir en faveur de la reconnaissance du génocide arménien. Après son élection, plusieurs ministres de son gouvernement prennent clairement position à ce sujet. Ainsi, en réponse à une question posée à l'Assemblée Nationale, M. Claude Cheysson, ministre des affaires étrangères déclare en Septembre 1981 : "Le gouvernement déplore la position des autorités turques actuelles qui persistent à considérer les événements de 1915 non comme un génocide visant à exterminer les populations arméniennes d'Anatolie orientale, mais comme la répression d'une révolte concomitante à l'offensive de l'armée russe."
Interrogé en août 1982 à la télévision, Gaston Defferre, alors ministre de l'Intérieur, déclare pour sa part : "les Arméniens ont été victimes en 1915 d'un génocide. Ils veulent que les auteurs de ce génocide reconnaissent les faits."
En janvier 1984, lors d'une allocution prononcée à Vienne (Isère) à l'occasion du Noël arménien, le Président Mitterrand se réfère au génocide de 1915 : "il n'est pas possible d'effacer les traces du génocide qui vous a frappés. Cela doit être inscrit dans la mémoire des hommes et ce sacrifice doit servir d'enseignement aux jeunes en même temps que de volonté de survivre afin que l'on sache, à travers le temps, que ce peuple n'appartient pas au passé, qu'il est bien du présent et qu'il a un avenir."
En outre, de nombreuses propositions de loi visant à la reconnaissance du génocide arménien sont régulièrement déposées à l'Assemblée Nationale et au Sénat par tous les groupes politiques représentés au Parlement. Le 24 avril de chaque année, le problème est évoqué par voie de questions écrites ou d'actualité. Les réponses varient quelque peu selon les périodes et vont de la reconnaissance claire du génocide arménien à une reconnaissance implicite. Ce flottement n'est pas dépourvu de conséquence du point de vue de la communauté arménienne.
La question du génocide arménien a été posée sur le terrain judiciaire. Une déclaration au journal Le Monde d'un historien américain islamologue de renom, M. Bernard Lewis, qualifiant le génocide arménien de "version arménienne de cette histoire" suscite des réactions très vives de la part de nombreuses personnalités. L'auteur et le journal Le Monde sont assignés en justice par le Comité de Défense de la Cause Arménienne (le CDCA) et par trois survivants du génocide sur le fondement des articles 24 bis et 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 (modifiée par la loi Gayssot du 13 juillet 1990).
L'action est jugée irrecevable par le Tribunal correctionnel de Paris du 14 octobre 1994 en raison du caractère limitatif de l'incrimination : en effet, seule la négation du génocide juif peut être sanctionnée. Néanmoins, l'audience permet l'expression des arguments des parties civiles et fait intervenir le témoignage accablant de rescapés du génocide et d'historiens. Au cours de l'audience, le Ministère public reconnait que "ces événements constituent un génocide".
L'affaire est portée devant les juridictions civiles sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil qui dispose : "quiconque a causé un préjudice est tenu de le réparer" car selon les requérants, M. Bernard Lewis a commis une "faute génératrice d'une atteinte très grave au souvenir fidèle, au respect et à la compassion dus aux survivants et à leur famille".
Le 21 juin 1995, le tribunal de grande instance de Paris condamne M. Bernard Lewis. Certains des attendus du jugement méritent d'être cités.
"Attendu que l'historien a, par principe, toute liberté pour exposer selon ses vues personnelles les faits, les actes et les attitudes des hommes ou groupements d'hommes ayant pris part aux événements qu'il a choisi de soumettre à ses recherches ;
Mais attendu que s'il a ainsi toute latitude pour remettre en cause, selon son appréciation, les témoignages reçus ou les idées acquises, l'historien ne saurait cependant échapper à la règle commune liant l'exercice légitime d'une liberté à l'acceptation nécessaire d'une responsabilité ;
Attendu qu'à cet égard, l'historien engage sa responsabilité envers les personnes concernées lorsque, par dénaturation ou falsification, il présente comme véridiques des allégations manifestement erronées ;
Attendu que la thèse de Bernard Lewis est contredite par les pièces versées aux débats... (le rapport Whitaker, les conclusions du Tribunal permanent des peuples, la résolution du Parlement européen).
Attendu que si Bernard Lewis était en droit de contester la valeur et la portée de telles affirmations, il ne pouvait en tout cas passer sous silence les éléments d'appréciation convergents, retenus notamment par des organismes internationaux et révélant que, contrairement à ce que suggèrent les propos critiqués, la thèse de l'existence d'un plan visant à l'extermination du peuple arménien n'est pas uniquement défendue par celui-ci ;
Attendu que même s'il n'est nullement établi qu'il ait poursuivi un but étranger à sa mission d'historien et s'il n'est pas contestable qu'il puisse soutenir sur cette question une opinion différente de celle des associations défenderesses, il demeure que c'est en occultant les éléments contraires à sa thèse que le défendeur a pu affirmer qu'il n'y avait pas de "preuve sérieuse" du génocide arménien, qu'il a ainsi manqué à ses devoirs d'objectivité et de prudence, en s'exprimant sans nuance sur un sujet aussi sensible..."
Ce jugement reconnaît donc le génocide arménien.
D'ailleurs la commémoration le 24 avril de chaque année de cette tragédie à l'Arc de triomphe en présence de hautes autorités de l'Etat démontre que de facto notre pays reconnait le génocide. De nombreuses communes, notamment Lyon, St-Etienne, Villeurbanne, etc ont adopté des voeux en ce sens.
1 1) "Par génocide, nous voulons dire la destruction d'une nation ou d'un groupe ethnique (...) En général, le génocide ne veut pas dire nécessairement la destruction immédiate d'une nation. Il signifie plutôt un plan coordonné d'actions différentes qui tendent à détruire les fondations essentielles de la vie des groupes nationaux, dans le but de détruire ces groupes mêmes".
CONCLUSION
Votre Rapporteur estime qu'au regard de l'histoire comme du droit la France se doit d'adopter une position tranchée en déclarant qu'elle reconnaît le génocide arménien de 1915.
Elle manifestera ainsi son attachement profond au respect des droits de l'Homme et des valeurs universelles qu'elle a toujours défendues.
Elle rappellera opportunément le caractère imprescriptible des crimes contre l'humanité.
Elle honorera ses engagements envers la communauté arménienne vivant en France. En effet, M. Ara Krikorian, Président du CDCA, lors de son audition par votre Rapporteur, a insisté "sur l'impact de la reconnaissance du génocide arménien de 1915 par la France qui fut l'un des principaux pays d'Europe à accepter d'accueillir les survivants. Pour les quelques rescapés encore en vie et leurs descendants, il importe de désigner les responsables pour faire cesser l'injustice que constitue le déni de ce génocide dont les conséquences psychologiques sont désastreuses pour ceux qui le subissent".
Elle luttera contre les tentations négationnistes trop fréquentes de nos jours et fera oeuvre de pédagogie auprès des générations futures comme l'a souhaité M. Yves Ternon lors de son audition. Cet éminent expert a rappelé solennellement que "le massacre des Arméniens en 1915 est un génocide parce que
- les Arméniens ont été assassinés en masse,
- les personnes assassinées l'ont été parce qu'elles étaient arméniennes,
- tous les témoins de l'époque, diplomates, militaires, civils, ont attesté l'intention criminelle du gouvernement de Constantinople,
- tous les documents ultérieurs ont confirmé cette intention. Ces faits ne peuvent pour les historiens, faire l'objet de controverse."
Elle renforcera les liens d'amitié entre la France et l'Arménie dont notre pays fut l'un des premiers à reconnaître l'indépendance.
En adoptant cette proposition de loi, la France n'agit nullement contre la Turquie pays avec lequel elle entretient une amitié traditionnelle fondée sur des liens très anciens. Bien au contraire la France souhaite participer à l'établissement d'une paix durable entre Turcs et Arméniens, paix qui selon elle, ne peut s'établir que sur des fondements solides et non sur l'occultation de l'Histoire qui pèse lourdement sur toute démocratie.
EXAMEN EN COMMISSION
La Commission a examiné la présente proposition de loi au cours de sa réunion du mardi 26 mai 1998.
Après l'exposé du Rapporteur, la Commission a été saisie de six amendements, présentés par MM. Roland Blum et François Rochebloine, le premier visant à désigner les responsables du génocide, le deuxième à subordonner l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne à sa reconnaissance du génocide arménien, le troisième demandant au gouvernement d'assurer la commémoration du génocide arménien, le quatrième chargeant le gouvernement d'oeuvrer à la reconnaissance du génocide arménien par la communauté internationale, le cinquième tendant à modifier l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour sanctionner la négation du génocide arménien, et le dernier visant à modifier l'article 48-2 de la loi précitée pour ouvrir à d'autres associations les droits de la partie civile.
M. René Rouquet a exposé que les auteurs de la proposition de loi avaient rédigé un texte dont les termes, pesés et réfléchis, correspondaient aux souhaits de la communauté arménienne. Par ailleurs, il ne s'agit pas de gêner les relations entre la France et la Turquie, ni les relations futures entre la Turquie et l'Arménie. Pour ces raisons, il s'est déclaré défavorable à l'adoption de ces amendements.
Le Président Jack Lang a estimé que l'initiative de la Commission des Affaires étrangères était sans précédent et qu'il fallait en mesurer les répercussions sur les relations entre la France et la Turquie. Les phrases courtes et simples sont souvent les plus efficaces. L'Histoire se prête à bien des polémiques. Ce qui n'est pas contestable, c'est le génocide. Il est préférable d'adopter un texte simple sans donner le sentiment de vouloir engager un procès.
M. Jean-Paul Bret, en accord avec cet état d'esprit, a rappelé que l'exposé des motifs de la proposition et le rapport donnaient toutes les précisions utiles sur les responsabilités du gouvernement Jeunes Turcs.
M. François Rochebloine a jugé que l'on devait oser écrire ce que l'on pensait et donc nommer les responsables du génocide et citer les dates de cette tragédie. Par ailleurs, la commémoration du 24 avril est souhaitée par de nombreuses communautés.
Le Président Jack Lang a considéré que le rapport très dense de M. René Rouquet donnait toutes les précisions historiques nécessaires. Par ailleurs, il ne paraît pas utile d'alourdir un texte qui aura surtout une portée symbolique.
M. Daniel Marcovitch a rappelé que les majorités précédentes n'avaient pris aucune initiative en faveur de la reconnaissance du génocide. D'autre part, si la communauté arménienne a été déçue par la récente déclaration du Premier ministre, c'est uniquement parce que celle-ci ne contenait pas l'expression "génocide". S'agissant de la commémoration, la France ne commémore pas les événements qui lui sont étrangers.
M. François Guillaume a jugé que le premier amendement apportait une précision utile. Il a rappelé l'existence d'un deuxième génocide arménien, celui perpétré entre 1920 et 1946 par le régime communiste.
M. Jean-Bernard Raimond a estimé que, sur un sujet difficile, il fallait opter pour la simplicité. Il s'est interrogé sur la différence entre l'expression "reconnaître publiquement" et l'expression "reconnaître officiellement", et a estimé qu'il ne convenait pas de lier la reconnaissance du génocide arménien à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.
M. François Loncle a souhaité que l'on écarte toute polémique sur une question délicate. On ne peut reprocher aux gouvernements précédents de ne pas avoir reconnu le génocide.
M. Richard Cazenave a estimé que davantage de précisions ne renforceraient pas le texte mais qu'une formulation succincte pouvait minorer la portée de la reconnaissance. Celle-ci aura un caractère normatif. Elle entraînera une commémoration publique et aura des répercussions de politique étrangère. Il ne s'agit pas de mettre en accusation le gouvernement turc, mais d'attendre de sa part un autre regard sur l'histoire. En conséquence, il paraît nécessaire que les préoccupations exprimées par ces amendements soient prises en considération.
M. André Borel s'est déclaré favorable au texte de la proposition qui répond strictement aux souhaits de la communauté arménienne.
M. Pierre Brana a souligné que la proposition n'était pas dirigée contre la Turquie d'aujourd'hui, qui encourt d'ailleurs d'autres reproches. L'essentiel est que l'expression "génocide" apparaisse clairement.
M. Charles Ehrmann a observé que l'Arménie avait aujourd'hui bien d'autres soucis que la non-reconnaissance du génocide et que la proposition risquait d'embarrasser le gouvernement.
M. Roland Blum a admis les mérites d'une formulation simple mais il a estimé qu'il fallait se doter d'armes juridiques contre le négationnisme.
M. Patrick Delnatte a considéré que le rôle de l'Assemblée nationale devait se limiter à la reconnaissance du génocide.
M. Jacques Myard a déclaré qu'il ne participerait pas au vote. La mémoire de massacres inspire le respect, mais la loi n'a pas pour fonction de codifier l'histoire.
M. Michel Terrot, en accord avec la proposition, s'est demandé s'il était judicieux de retenir une date officielle de commémoration du génocide alors qu'une telle date n'a pas été fixée à propos d'autres génocides.
Le Président Jack Lang a souhaité que les amendements soient rejetés, dans la mesure où le rapport apportait toutes les précisions requises. Un texte simple et fort aura un impact considérable. Evoquer la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne est de toutes façons très prématuré, en raison, notamment, de la situation des droits de l'Homme dans ce pays.
L'adoption de ce texte constituera un précédent intéressant pour l'institution parlementaire qui s'est vue privée du droit de voter des résolutions.
Après avoir rejeté l'ensemble des amendements, la Commission a adopté, sans modification, la proposition de loi (n° 895).